12 June, 2019Dans sa décision rendue le 3 juin, les prud’hommes de Compiègne (France) ont condamné Saint-Gobain à dédommager les 130 employés de l’usine de Thourotte (département de l’Oise), spécialisée dans la fabrication et la transformation du verre.
Selon le jugement des prud’hommes, la société doit verser à chaque travailleur une indemnité de 20 000 euros en réparation de leur « préjudice moral » dû à leur exposition à l’amiante au cours des années précédentes.
D’après les informations relayées par les médias, le Conseil des prud’hommes a jugé que les employés actuels et anciens employés avaient « bien été exposés à l’inhalation de fibres d’amiante » dans des conditions « consécutives d’un manquement à l’obligation contractuelle de sécurité de résultat de leur employeur » et qu’ils subissaient des « préjudices » qu’il « convient de réparer ».
Selon l’avocate des salariés, Me Elisabeth Leroux:
« C’est une très bonne décision. Les salariés ont été exposés de façon importante à l’amiante, ils sont maintenant soumis à un suivi médical renforcé qui est anxiogène, ils voient leurs collègues de travail décéder... C’est une grande satisfaction d’obtenir réparation de ce préjudice ».
Le jugement de la Cour en faveur des travailleurs établit un nouveau précédent depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 5 avril ayant ouvert la voie à l’indemnisation pour tous les travailleurs exposés à l’amiante en France. Selon cette décision, les travailleurs français exposés à l’amiante peuvent demander une indemnisation du préjudice d’anxiété lié aux conséquences de leur exposition à l’amiante peu importe où ils travaillaient, s’ils peuvent prouver qu’ils ont été exposés à un tel « préjudice d’anxiété » et en souffrent.
Depuis 2010, la Cour de cassation restreignait jusqu’ici ce mécanisme aux seuls salariés dont l’établissement est inscrit sur des listes ouvrant droit à la « préretraite amiante », à savoir les travailleurs de la transformation de l’amiante ou de la construction et de la réparation navale. Depuis avril 2019, la Cour a ouvert la voie à « l’indemnisation du préjudice d’anxiété » pour tous les travailleurs exposés à l’amiante.
Saint-Gobain dispose de 30 jours depuis l’annonce du jugement pour faire appel de la décision de la Cour.
L’amiante est interdite en France depuis le 1er janvier 1997. En 2014, le Haut Conseil de la Santé Publique estimait que l’amiante pourrait encore tuer entre 68 000 et 100 000 personnes en France entre 2009 et 2050.
L’OIT estime qu’environ 2,3 millions de travailleurs meurent chaque année dans le monde de causes professionnelles, dont 736 000 de cancers.
Brian Kohler, Directeur d’IndustriALL chargé de la santé, de la sécurité et de la durabilité, a commenté:
« Les estimations relatives au pourcentage de cancers professionnels liés à l’amiante varient grandement. Les maladies causées par l’amiante sont généralement sous-estimées en raison d’un mauvais diagnostic souvent posé, voire d’une dissimulation. Nous pensons que le nombre réel pourrait être d’au moins 150 000 par an. En outre, beaucoup de décès sont dus à des maladies pulmonaires non cancéreuses, qui sont causées par l’amiante. Nous escomptons que Saint-Gobain prenne au sérieux cette décision de la Cour, que l’entreprise prenne en charge l’ensemble des travailleurs ayant été exposés à l’amiante et qu’elle organisera une indemnisation appropriée, respectant la décision des prud’hommes ».