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La disparition des "courtiers de main-d’œuvre" en discussion en Afrique du Sud

19 octobre, 2009

C'est au début de 2010 qu'on devrait savoir si l'Assemblée nationale d'Afrique du Sud votera ou non une loi interdisant les courtiers de main-d’œuvre. Entre-temps, il est clair que cette question est au centre de la polémique sur l'emploi dans le pays, à en juger par l'intensité des débats.

Fin août, après deux journées d'auditions publiques tapageuses du Comité du portefeuille de l'Assemblée nationale qui ont vu s'affronter les partis politiques en présence, le débat sur la question de savoir s'il faut interdire ou réglementer plus strictement l'activité de courtage de main-d’œuvre s'est déplacé dans quatre provinces où des auditions parlementaires régionales ont eu lieu début octobre.

Entre-temps, le Congress of South African Unions (COSATU) a pesé de tout son poids en faveur de l'interdiction lors de son 10e Congrès national et il a immédiatement lancé une campagne nationale visant à faire interdire cette activité au chiffre d'affaires de 25 milliards de rands qu'il a coordonnée avec la Journée mondiale du travail décent du 7 octobre.

Dans sa déclaration, le Congrès de la COSATU déclare ; "… dans le cadre de la lutte pour l'emploi décent, nous réclamons la suppression de la pratique du courtage de main-d’œuvre." Lors d'une conférence de presse qui a suivi le Congrès du 21 au 24 septembre, le Secrétaire général Zwelinzima Vavi a déclaré que les courtiers prélèvent souvent jusqu'à 20% du salaire du travailleur à titre d'honoraires.

Trois semaines auparavant, lors des auditions du Comité du portefeuille de l'Assemblée nationale, Zwelinzima Vavi a qualifié le système de "fléau social", le comparant au "VIH et au Sida, ou au crime et à la corruption. C'est un mécanisme mis en place pour profiter des faibles et des plus vulnérables."

À une des activités organisées par la COSATU dans le cadre de la Journée mondiale du travail décent, le 6 octobre, 400 adhérents d'un de ses affiliés, le Communication Workers' Union (CWU), se sont rassemblés devant un centre postal d'Ormonde où 80% de la main-d’œuvre sont fournis par des courtiers. Un représentant du CWU a déclaré que la poste fait appel à huit courtiers et, plus grave encore a-t-il ajouté, certains dirigeants de la poste sont dans le capital de ces agences de courtage.

Un travailleur exploité de la sorte par le système et qui participait à la manifestation a déclaré que son salaire représente un quart de celui d'un agent statutaire du centre postal, tandis que, pour un autre, un emploi précaire n'est pas mieux que pas d'emploi du tout. "On nous utilise comme des préservatifs. Une erreur et vous êtes à la porte; de toutes façons, il y a toujours un autre pour prendre votre place."

Notre affilié National Union of Metalworkers of South Africa (NUMSA) a appelé les parlementaires de l'African National Congress (ANC) à se servir de leur majorité pour faire adopter une loi interdisant les courtiers de main-d’œuvre. Son Secrétaire général, Irvin Jim, a déclaré à propos de cette forme moderne de l'apartheid que les employeurs s'intéressent plus aux agences d'emploi qu'aux travailleurs. "Dans une société aux inégalités criantes, il ne faut pas laisser ce système prospérer", a-t-il dit.

Le débat fait apparaître un clivage très net. Tandis que la majorité des élus de l'ANC sont favorables à une interdiction, l'Alliance démocratique, proche des milieux d'affaires, est sur la défensive et se contente de demander une réglementation du courtage de main-d’œuvre. Le jeune Congrès du Peuple (COPE), peu influent après sa scission de l'ANC, est relativement muet sur la question, mais il serait plus favorable à une réglementation plus stricte qu'à une interdiction totale.

Pour le lobby des milieux d'affaires, 500.000 Sud-Africains ont un emploi par l'intermédiaire des courtiers de main-d’œuvre mais, en réalité, leur nombre pourrait être trois fois plus élevé. Le lobby admet que, sur les 6.000 courtiers en activité dans le pays, seuls 3.000 sont dûment enregistrés.

La Namibie voisine a interdit les courtiers de main-d’œuvre en 2008. Mais l'industrie et le lobby des milieux d'affaires contestent maintenant la loi pour motif d'inconstitutionnalité, ce que ne manqueraient certainement pas de faire aussi les milieux d'affaires sud-africains si une interdiction était votée.

Le 27 août, l'Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) et son affilié africain Building and Construction Allied Workers’ Union ont organisé à Johannesburg un forum sur le thème "Conférence multisectorielle sur le travail décent à l'approche de 2010 et au-delà", portant essentiellement sur les questions de travail dans la perspective de la coupe du monde de football qui aura lieu en Afrique du Sud en 2010.

Le coordinateur de la construction du National Union of Mineworkers (NUM), Isaac Ntshangase a fait remarquer que 32% de l'activité de l'industrie du bâtiment et de la construction du pays sont assurés par des travailleurs informels. La conférence a adopté une résolution demandant l'interdiction des courtiers de main-d’œuvre et condamnant les salaires et conditions de travail déplorables qu'on retrouve dans pratiquement tous les contrats de sous-traitance.

La question est maintenant de savoir si le chapitre 198 de la Loi sur les relations de travail de 1995 sera amendée pour interdire complètement le courtage de main-d’œuvre ou si sera trouvé un compromis réglementant plus strictement cette pratique. Toutefois, il ne fait aucun doute que des mesures législatives seront prises et cela est encourageant pour le syndicalisme mondial qui redouble d'efforts pour faire reculer une forme de travail intenable assurée par les agences de placement et l'emploi indirect.