18 mars, 2013Dans l’île Maurice, une nouvelle législation du travail adoptée en 2009 a conduit à une déréglementation du marché du travail et à une expansion massive du travail contractuel.
Le syndicat CMCTEU (Chimie et branches connexes) affilié à IndustriALL a lancé une campagne de recrutement de travailleurs et travailleuses précaires dans tous les secteurs de la fabrication industrielle. En deux ans, le syndicat a réussi à tripler ses effectifs en recrutant 3.000 contractuels. Le CMCTEU et la CTSP (confédération des travailleurs du secteur privé) sont devenus des acteurs de premier plan dans le dialogue social mauricien.
Nous avons élaboré des stratégies originales pour syndiquer les travailleurs et travailleuses précaires afin de détenir une représentation plus forte et de négocier avec efficacité. Cependant la bataille n’est pas gagnée pour autant. Nos tortionnaires s’organisent activement contre nous. Notre succès tient à notre capacité à syndiquer la main-d’œuvre.
Reeaz Chutto, CMCTEU
En 2010, le CMCTEU a amendé ses statuts pour pouvoir recruter des travailleurs et travailleuses sous contrat de courte durée qui constituent la majorité des salariés du secteur privé. Le syndicat, qui a participé au projet contre l’emploi précaire de IndustriALL depuis 2009, a élaboré des initiatives novatrices pour surmonter la peur des personnes occupant des emplois occasionnels pour se syndiquer. Quinze volontaires ont été formés pour se rendre sur des lieux de travail et prendre contact avec des travailleurs et travailleuses précaires qui ont commencé à contacter discrètement le syndicat pour obtenir plus de renseignements. Le CMCTEU qui les rencontre lors de week-ends, a mis en place des services spécifiques. Deux nouveaux membres du personnel ont été chargés de traiter principalement les questions concernant la main-d’œuvre précaire. La cotisation d’adhésion a été fixée symboliquement à 1 roupie (au lieu de 50 roupies). Le syndicat a également créé des services bancaires communautaires, accessibles aux travailleurs et travailleuses sous contrat de courte durée et à leurs familles. Des cours gratuits d’informatique sont également offerts aux travailleurs et travailleuses précaires.
Le CMCTEU dénonce particulièrement la féminisation des emplois précaires dans l’île Maurice. L’emploi précaire est plus fréquent dans des secteurs comme le textile où la main-d’œuvre féminine prédomine. C’est pourquoi le CMCTEU a formé beaucoup de femmes à des postes de responsabilité syndicale pour répondre correctement aux besoins des travailleuses précaires. À ce jour, les femmes représentent 24 pour cent des membres du syndicat. Le syndicat travaille également avec la main-d’œuvre étrangère qui se monte à plus de 35.000 personnes à l’île Maurice avec des contrats d’emploi précaire, sans protection sociale.
L’augmentation du nombre de membres dans le syndicat et la capacité de mobiliser des milliers de manifestants prêts à descendre dans la rue ont considérablement renforcé le pouvoir de négociation du CMCTEU. Depuis octobre 2011, pas moins de 15 conventions collectives ont été signées par le CMCTEU et ses syndicats frères également affiliés à la CTSP, qui ont permis de garantir une égalité salariale pour les personnes sous contrat de courte durée effectuant le même travail que le personnel permanent. L’une des principales préoccupations du CMCTEU a porté sur la santé et la sécurité des travailleurs et travailleuses précaires qui constituent la majorité des victimes d’accidents du travail dans les secteurs de la fabrication industrielle. En 2011, le syndicat a conclu avec plusieurs employeurs un accord qui stipule que les salariés employés depuis 12 mois ou moins ne doivent pas être exposés à un travail trop dangereux, à moins d’avoir été formés par une personne compétente.
La plus grande force du CMCTEU et de la CTSP a permis à ces deux organisations d’obtenir des résultats positifs, pas seulement pour le personnel précaire. En décembre 2012, grâce à une importante mobilisation, les syndicats ont réussi à différer l’adoption d’une proposition du gouvernement portant sur une nouvelle déréglementation du marché du travail et un affaiblissement de la puissance des syndicats. Le combat continue. De grandes mobilisations sont prévues en mars contre les “lois anti-ouvrières” dans l’île Maurice.