11 janvier, 2024Les travailleurs de l'habillement de Maurice vont recevoir jusqu'à 508.918 $ des grandes marques de vêtements Barbour et PVH, propriétaire de Calvin Klein et Tommy Hilfiger, après qu'une enquête ait révélé que des travailleurs migrants ont été forcés de payer des milliers de livres pour obtenir leurs emplois sur l'île.
En 2022 et 2023, l'organisme américain de défense des droits des travailleurs Transparentem a examiné les conditions en vigueur dans cinq usines de Maurice et a interrogé 83 travailleurs.
Transparentem a constaté de nombreux indices de travail forcé, que l'Organisation internationale du travail considère comme une forme moderne d'esclavage. Le rapport indique aussi que des travailleurs ont dû payer des honoraires de recrutement, ce qui est illégal, et ont été victimes de tromperies, d'intimidation et de conditions de travail insalubres, comme l'absence d'eau potable et des invasions de cafards et de punaises de lit.
Après avoir commandé leurs propres audits sur les conditions de travail dans ces usines, des marques de vêtements parmi lesquelles PVH et Barbour ont annoncé qu'elles vont rembourser à des travailleurs de Real Garment, un des ateliers cités dans le rapport, 508.918 $ qu'ils ont dû verser illégalement en honoraires de recrutement.
À Maurice, les travailleurs migrants sont privés de leurs droits. Une fois arrivés sur l'île, ils deviennent souvent la propriété de leur employeur qui a le droit de résilier leur permis de travail et de les faire expulser par les services des passeports et de l'immigration. Aucune approbation de l'un ou l'autre service officiel n'est requise pour déporter un travailleur migrant.
La Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP), qui est affiliée à IndustriALL, vient en aide aux travailleurs migrants à Maurice depuis 25 ans. Cette indemnisation est une grande victoire pour le syndicat et pour les travailleurs, mais beaucoup reste à faire.
Les industries d'exportation, comme l'habillement, le textile et les secteurs manufacturiers, emploient des travailleurs migrants. Or, la CTSP fait campagne pour une législation nationale qui applique la Loi sur les droits des travailleurs à la protection des migrants contre la discrimination salariale, le travail précaire en contrat de courte durée, les horaires de travail longs, les bas salaires, le manque d'accès à la protection sociale et autres formes de discrimination.
Reeaz Chutto, le président de la CTSP, déclare :
"Malheureusement, il n'est un secret pour personne que Maurice, comme d'autres pays, a choisi d'asseoir sa compétitivité sur la surexploitation des travailleurs migrants. Si l'un d'eux ose dénoncer son employeur pour mauvais traitement ou exploitation, il est déporté du jour au lendemain. La règle est : subir ou périr. Mais le succès de cette victoire réside dans la campagne de dénonciation publique que la CTSP a portée à l'échelon mondial et nous avons aussi dénoncé l'exploitation dans des interviews avec Transparentem."
"Nous nous réjouissons de la bonne nouvelle que des travailleurs seront indemnisés pour l'exploitation qu'ils ont subie et nous félicitons la CTSP pour la campagne qu'elle mène inlassablement pour les droits des travailleurs migrants à Maurice,"
a déclaré la secrétaire régionale d'IndustriALL pour l'Afrique subsaharienne, Paule France Ndessomin.
En 2022, le Centre de ressources pour les migrants de Maurice, qui partage ses bureaux avec ceux de la CTSP, a lancé l'application Just Good Work Mauritius, en collaboration avec IndustriALL, Anti Slavery International et l'enseigne de vêtements en ligne ASOS. Elle informe les travailleurs migrants sur leurs droits et leur permet de signaler les abus. Les informations sont publiées en bengali, en anglais et en malgache. En outre, le syndicat organise régulièrement des activités pour aider les travailleurs migrants à s'intégrer dans la vie mauricienne.
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