20 octobre, 2021Les syndicats éthiopiens craignent que des millions d’emplois ne soient perdus si les États-Unis retirent au pays son accès aux dispositions de l’AGOA (African Growth and Opportunity Act, en français : Loi sur le développement et les opportunités africaines) qui donne accès en franchise de droits, entre autres, aux produits textiles, au prêt-à-porter, aux chaussures et au cuir du pays.
L’AGOA, qui accorde un accès spécial aux marchés américains à 6.500 produits des pays d’Afrique subsaharienne, doit expirer en 2025. Ces produits comprennent des textiles et du prêt-à-porter, des véhicules à moteur et leurs pièces détachées, des produits en cuir, des produits chimiques, des machines et des équipements, des produits agricoles ainsi que d’autres marchandises.
Dans le cadre de l’AGOA, les exportations éthiopiennes vers les États-Unis sont passées de 29 millions de dollars en 2000 à 525 millions de dollars en 2020. Toutefois, la balance commerciale reste favorable aux États-Unis, dont les exportations vers l’Éthiopie sont passées de 165 millions à 868 millions de dollars au cours de la même période.
La confection est le principal bénéficiaire de l’AGOA et plus de 80 % des salariés de ce secteur sont des jeunes femmes.
Lors d’une réunion en ligne avec le négociateur commercial pour l’Éthiopie, Mamo Mihretu, l’ambassadrice de la représentation commerciale des États-Unis, Katherine Tai, “a soulevé les violations continues des droits de l’homme internationalement reconnus dans le cadre du conflit en cours dans le nord de l’Éthiopie, qui pourraient affecter la future éligibilité de l’Éthiopie à l’AGOA si elles ne sont pas traitées”.
Angesom Gebre Yohannes, Président de l’affilié d’IndustriALL, la Fédération industrielle des travailleurs du textile, du cuir et de la confection (IFTLGWTU) a déclaré :
“Si les avantages de l’AGOA cessent de s’appliquer, les travailleurs et travailleuses seront durement touchés. Des usines, dont celle de PVH dans le parc industriel d’Hawassa qui exporte principalement vers les États-Unis, seront obligées de fermer et les travailleurs et travailleuses perdront leur emploi. Cela n’est pas dans l’intérêt du syndicat. Les travailleurs et travailleuses de PVH sont inquiets pour leur avenir et ont exprimé leur inquiétude en apprenant la nouvelle concernant l’AGOA.”
L’usine PVH est la plus grande de ce parc industriel et, récemment, l’IFTLGWTU a lancé une campagne de recrutement syndical après avoir réalisé une percée consécutive à des années pendant lesquelles les syndicats n’étaient pas autorisés à recruter dans le parc. Les autres propriétaires d’usines viennent d’Europe et d’Asie et des enseignes comme Children’s Place et Levi Strauss & Co. s’y approvisionnent.
Dans sa lettre adressée à l’ambassadrice, Kassahun Follo, Président de la Confédération des syndicats éthiopiens (CETU) à laquelle l’IFTLGWTU est également affiliée, écrit :
“En tant qu’organisation syndicale progressiste attachée aux droits de l’homme, à la résolution pacifique des différends et au respect des valeurs démocratiques universelles, notre confédération condamne sans ambages les violations des droits de l’homme dans toute l’Éthiopie, ainsi que les auteurs de ces violations. Nous reconnaissons également l’importance des conditions d’éligibilité à l’AGOA quant à la protection des droits des travailleurs reconnus internationalement. Cependant, notre confédération est fermement convaincue que le fait de retirer l’Éthiopie de la liste d’éligibilité de l’AGOA à l’heure actuelle ne fera qu’aggraver la situation des travailleurs et travailleuses éthiopiens et de leurs familles.”
M. Follo indique dans sa lettre que le secteur du textile, de la confection, de la chaussure et du cuir a créé plus de 200.000 emplois directs et plus d’un million d’emplois indirects qui sont aujourd’hui menacés. Les politiques industrielles de l’Éthiopie ont donné la priorité à une industrie manufacturière basée sur l’exportation, qui est considérée comme ayant le potentiel de créer des emplois pour des centaines de milliers de jeunes travailleurs et travailleuses.
Atle Høie, Secrétaire général d’IndustriALL, a déclaré :
“Les violations des droits syndicaux doivent cesser. Le retrait de l’AGOA maintenant mettrait en péril le travail que nous avons accompli avec nos affiliés éthiopiens au cours des dernières années, mais cette menace est aussi un avertissement très clair aux autorités éthiopiennes qu’il leur reste peu de temps pour enfin garantir les droits syndicaux fondamentaux.”