11 août, 2022Lors d'un atelier de deux jours qui s'est tenu les 3 et 4 août à Nairobi, le harcèlement sexuel a été identifié comme un obstacle à l'apprentissage et à la formation qualifiante des jeunes femmes dans l'industrie automobile au Kenya. Une des participantes a raconté combien il est difficile aux jeunes femmes d'intégrer l'industrie comme techniciennes, artisanes ou mécaniciennes à cause d'un harcèlement sexuel omniprésent.
"En tant que jeune femme, vous ressentez le besoin d'acquérir des compétences et vous voulez apprendre, parce que vous découvrez le domaine. Or, les possibilités de formation artisanale se trouvent dans les garages du secteur informel où la plupart de ceux qui peuvent vous former sont des hommes qui veulent des faveurs sexuelles en échange. Ainsi, la plupart des jeunes femmes passent d'un garage à l'autre à la recherche d'un lieu propice où elles peuvent apprendre et acquérir compétences et qualifications sans être harcelées sexuellement. Imaginez que vous êtes couchée sur le dos pour réparer une voiture et un homme commence à vous tripoter. Cela freine votre volonté d'apprendre,"
a raconté Wambui à l'atelier auquel assistaient 30 personnes, dont 11 femmes.
"Dans un garage, j'ai travaillé des mois sans toucher une clé anglaise, sans la moindre possibilité d'apprendre. J'ai terminé en lavant les voitures, tout simplement parce que personne ne voulait me prendre comme apprentie. À l'évidence, j'étais punie pour avoir refusé des avances sexuelles. Parfois aussi, les techniciens essaient de vous appâter avec de l'argent, en vous donnant des sommes élevées pour des réparations mineures. Mais lorsque vous repoussez leurs avances, alors ils vous ignorent."
"Les femmes sont vulnérables en début de carrière dans le secteur automobile parce que la plupart ne sont pas payées lorsqu'elles sont en formation. Le pire est qu'il n'existe pas de mécanisme d'accompagnement pour les jeunes femmes qui intègrent l'industrie et, dans la plupart des cas, elles sont seules. Ce n'est qu'après avoir adhéré à l'Amalgamated Union of Kenyan Metal Workers (AUKMW) que j'ai réalisé que les syndicats peuvent fournir un soutien aux jeunes artisanes."
Wambui explique que le harcèlement sexuel est très répandu dans un secteur informel dominé par les hommes et où il est appelé Jua Kali, c’est-à-dire soleil chaud en swahili, parce que la plupart des réparations se font à l'extérieur, dans les garages et ateliers à ciel ouvert le long des routes.
Pour Rose Omamo, la secrétaire générale de l'AUKMW et vice-présidente d'IndustriALL :
"Les délégués d'atelier doivent amorcer le dialogue sur la violence et le harcèlement fondés sur le genre dans le secteur automobile et le Jua Kali. Le syndicat doit réclamer la ratification de la convention 190 afin d'éliminer la violence et le harcèlement fondés sur le genre dans le monde du travail, ainsi que l'application de la recommandation 206 afin de combler les failles de la loi. Tous les travailleurs, hommes et femmes, doivent être sensibilisés à la violence et au harcèlement fondés sur le genre,"
a expliqué la secrétaire régionale d'IndustriALL pour l'Afrique subsaharienne, Paule France Ndessomin, qui participait à la réunion.
"Il faut que nos mentalités changent, en tant que syndicalistes, si nous voulons traiter la violence et le harcèlement fondés sur le genre comme il se doit. Les travailleuses doivent connaître leurs droits et les mécanismes qui sont là pour empêcher ce phénomène, et elles doivent signaler les violations et agir contre leurs auteurs."
L'AUKMW, qui est affilié à IndustriALL Global Union, et le bureau régional pour l'Afrique subsaharienne d'IndustriALL étaient les organisateurs de cet atelier. L'AUKMW, qui représente les travailleurs du secteur automobile, a noué des partenariats avec le secteur automobile Jua Kali afin de protéger les droits des travailleuses et travailleurs.