12 octobre, 2022Un atelier conjoint d’industriAll Europe, d’IndustriALL Global Union et de la Fondation Friedrich Ebert, les 4 et 5 octobre à Ankara, a exploré les conditions d’une Transition juste en Turquie, un pays marqué par des relations sociales problématiques et des stratégies climatiques et industrielles contradictoires. Il a souligné la nécessité de renforcer les droits syndicaux, la participation des travailleurs et travailleuses ainsi que le dialogue social pour parvenir à une Transition juste.
Önder Algedik, expert en climat et en énergie, a expliqué le contexte de la politique climatique en Turquie et Alpkan Birelma, professeur adjoint à l’Université d’Özyeğin et auteur du récent rapport de la FES sur les syndicats en Turquie, a rendu compte de leurs défis persistants dans la défense des droits des travailleurs.
Le contexte turc
L’économie turque bénéficie toujours d’investissements dans la fabrication industrielle en raison des ruptures d’approvisionnement dans d’autres parties du monde, de la proximité du marché européen (41,3 % des exportations turques) et du faible coût de sa main-d’œuvre. Mais avec un taux de 83 %, l’inflation en Turquie est véritablement devenue incontrôlable, mettant l’économie en péril.
Bien qu’il ait ratifié l’Accord de Paris avec l’objectif d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2053, le gouvernement turc investit dans la production nationale de charbon. Il s’agit de sécuriser l’approvisionnement énergétique d’un pays qui dépend largement d’importations d’énergies fossiles, principalement de Russie et du Moyen-Orient. La Turquie devrait revoir son objectif actuel de réduction des émissions de 21 % d’ici à 2030 avant la COP27 en novembre.
La Turquie devra élaborer un programme climatique plus ambitieux pour s’aligner sur les objectifs et la législation de l’UE. Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières augmentera le prix des exportations de la Turquie vers l’UE. L’élimination progressive des voitures à moteur à combustion d’ici à 2035 aura également un impact et les exportations turques de textiles devront se conformer à la stratégie européenne pour un textile durable, qui vise à réduire la consommation d’eau et de matières premières, ainsi qu’à promouvoir la réutilisation et le recyclage des textiles.
Qu’est-ce que cela signifie pour les travailleurs et travailleuses ?
La Transition juste est un sujet relativement nouveau dans l’agenda des syndicats turcs.
Le paysage industriel turc se caractérisant par une augmentation constante de la production industrielle à forte intensité de carbone et l’absence de politique climatique, il n’y avait guère de raison de s’inquiéter des mutations industrielles liées à la décarbonation. En outre, les relations sociales problématiques de la Turquie rendent très difficile l’implication des syndicats dans l’anticipation du changement.
Selon un rapport récent de la Fondation Friedrich Ebert, les droits syndicaux en Turquie sont loin d’être alignés sur les conventions fondamentales de l’OIT. Le droit à la négociation collective a été attaqué et le droit de grève a été davantage restreint. Depuis 2016, la CSI classe la Turquie parmi les dix pires pays pour les travailleurs et travailleuses.
Malgré le contexte difficile, les syndicats turcs ont pu faire état des premières mesures concrètes qu’ils entreprennent ou prévoient pour anticiper la transition dans leurs secteurs.
IndustriALL Global Union et industriAll Europe sont aux côtés de leurs affiliés turcs pour défendre les droits syndicaux et assurer une Transition juste pour les travailleurs et travailleuses alors que la Turquie s’engage sur la voie des zéro émissions nettes.
Kan Matsuzaki, Secrétaire général adjoint d’IndustriALL Global Union, a déclaré :
“Cet atelier n’est que la première étape dans des discussions plus ciblées sur les droits syndicaux et la Transition juste en Turquie. Nous aiderons nos collègues turcs à œuvrer en faveur d’une Transition juste conforme aux principes directeurs de l’OIT adoptés en 2016 : une transition qui repose sur des droits syndicaux forts, la mise en œuvre des conventions fondamentales de l’OIT et des mécanismes de dialogue social efficaces.”
Judith Kirton-Darling, Secrétaire générale adjointe d’industriAll Europe, a pour sa part déclaré :
“Dans le contexte d’une inflation galopante et de la crise des prix de l’énergie, la nécessité d’anticiper les changements en cours pour les travailleurs industriels turcs est plus importante que jamais. Le Pacte vert pour l’Europe aura un impact sur les économies au-delà des frontières de l’UE. Nous sommes aux côtés de nos syndicats affiliés pour revendiquer des stratégies industrielles durables et leur pleine implication dans la gestion du changement. Rien de ce qui nous concerne ne peut se faire sans nous !”