20 novembre, 2011
Quels secteurs au Sierra Leone sont-ils les plus affectés par le CAL ?
Il existe des travailleurs CAL pratiquement dans tous les secteurs d’activité. Dans certains d’entre eux, on en est qu’au début, mais dans d’autres les travailleurs CAL sont déjà très nombreux.
Pendant les trois années qu’a duré le Projet CAL de l’ICEM pour l’Afrique sub-saharienne, quels ont été vos plus grands succès ?
Nous avons été en mesure de coordonner un réseau permettant de mettre sur pied un comité capable de représenter les travailleurs CAL. Nous avons rencontré certains succès, notamment en amenant le Ministère du Travail et le Commissaire au Travail à débattre avec nous.
Pour notre premier contact avec le Ministère du Travail, nous avons pris rendez-vous pour une rencontre dans ses locaux. Nous avons expliqué la raison de notre venue et la meilleure manière de collaborer. Nous les avons invités à des séminaires et ateliers et nous avons eu des déclarations favorables de leur part exprimant le désir de gérer le CAL à tous niveaux. Les difficultés rencontrées par les syndicats et la société civile leur ont été exposées dans un rapport.
Ezekiel Dyke
Nous avons également essayé d’amener le CAL dans nos négociations afin de leur faire prendre conscience du besoin de protection pour les travailleurs CAL. Nous avons pu faire prendre en compte des aspects relatifs à la santé et la sécurité, les traitements médicaux pour les travailleurs CAL et la durée maximum des contrats à durée déterminée au-delà de laquelle les travailleurs doivent recevoir un statut permanent.
Une ou deux compagnies minières le font de toute manière. Nous avons atteint un certain niveau de sensibilisation : les travailleurs viennent d’eux-mêmes pour dire qu’ils sont maintenant occupés depuis plus de six mois et que le mois suivant ils devraient donc recevoir un statut permanent et les mêmes avantages que les autres travailleurs.
Pour l’instant la législation est réexaminée. Le CAL est prévu par la loi, mais celle-ci ne va pas assez loin. Elle comporte des dispositions spécifiques sur la durée des contrats ainsi que la santé et la sécurité des travailleurs CAL. Certaines d’entre elles sont répertoriées.
Quelles sont les revendications prioritaires de votre syndicat en matière de CAL ?
Nous revendiquons des améliorations significatives de la situation. Nous voulons que le CAL soit totalement aboli. En l’absence d’une abolition, nous voulons que les travailleurs CAL aient les mêmes avantages que les travailleurs permanents. Pourquoi ne devraient-ils pas avoir accès aux traitements médicaux ? Leurs salaires devraient être augmentés ; les salaires étaient de US$1 à US$1,5 par jour et certaines entreprises les ont fait passer à US$2,50. Nous espérons bâtir sur cet acquis car toutes les entreprises ne versent pas encore aux travailleurs CAL ces salaires améliorés.
Dans le secteur des mines, le salaire minimum d’un travailleur permanent est de 3 à 4 $ par jour. Ceci ne comprend par les heures supplémentaires, l’allocation de logement, ni celles pour l’enseignement ou le transport dans certains cas. L’un dans l’autre, les mineurs au statut permanent perçoivent en général un salaire minimum de 120 à 150 $ par mois. Dans certaines entreprises, les travailleurs CAL perçoivent des heures supplémentaires et parfois des allocations de transport. Il y a aussi des dispositions pour les traitements médicaux mais qui ne s’appliquent pas à la famille comme pour les travailleurs permanents.
Une entreprise a octroyé des contrats permanents à 200 travailleurs à la suite des revendications syndicales. Nous menons des formations pour les travailleurs irréguliers. Si on vous engage pour trois mois, vous pouvez après une formation être engagé à un poste permanent. Par exemple, un conducteur peut recevoir des compétences afin de pouvoir gérer des machines lourdes. Ceci se produit dans des entreprises qui conduisent des formations pour les travailleurs locaux.
Votre syndicat a également fait un effort pour sensibiliser le public aux problèmes du CAL. Comment vous y êtes vous pris ?
Lors de nos séminaires et ateliers, nous essayons d’inclure les média électroniques. Nous essayons d’informer sur ce que nous faisons. Nous avons ainsi une émission de radio environ une fois par mois. Nous parlons des questions relatives au CAL. Nous faisons cela avec la Confédération des Syndicats parce que le CAL est présent dans tous les secteurs et tous les domaines. Il ne faut pas oublier que des gens meurent faute d’un équipement de protection personnel.
J’ai été content, alors que je m’étais rendu dans une mine, d’être approché par 20 travailleuses qui m’ont dit qu’elles allaient passer à des postes permanents. Au départ, tous nos membres avaient un statut permanent, mais notre stratégie a changé. Nous devons recruter tous les travailleurs même si certains d’entre eux, au début, ne sont pas en mesure de payer de cotisation.
Comment votre syndicat gère-t-il les entreprises qui exploitent les travailleurs CAL ?
Les compagnies minières ont dit que la sécurité devait être externalisée. Lorsque nous avons essayé de syndiquer les travailleurs de ces entreprises, elles nous ont dit qu’ils ne pouvaient pas se syndiquer. Nous avons dit qu’ils étaient déjà membres avant d’être externalisés. Ils percevaient entre 200 et 300 $ par mois avant l’externalisation et seulement la moitié ensuite, ils devaient payer leurs uniformes, n’avaient pas droit aux soins de santé pour leur famille ni parfois à une allocation de transport. Nous avons interpelé le Ministère du Travail.
Nous avons aidé ces travailleurs à se syndiquer en secret. Nous avons tenu des réunions syndicales secrètes pour ces membres et ils nous ont donnés mandat pour une réunion avec le Ministère du Travail. Cette affaire est en cours. 300 ont remplis les formulaires et la semaine prochaine, nous rencontrons le Ministère.
La négociation d’une convention collective dépend de l’entreprise. Certaines disent qu’en ce qui les concerne les travailleurs CAL peuvent signer des contrats de travail ou pas.
Nous aurons bientôt les dernières négociations et la signature d’une convention nationale générale pour toutes les entreprises minières du pays. Une des dispositions est que si un travailleur a presté trois mois et que son contrat n’est pas renouvelé, l’entreprise doit lui verser trois mois de salaire à titre d’indemnité de licenciement.
Comment fonctionne le Comité national du CAL au Sierra Leone ?
Nous avons eu l’idée de ce comité lors du séminaire CAL de 2010. L’objectif est d’y intégrer des syndicats pour évaluer le niveau de CAL dans les différents secteurs ainsi que les conditions faites aux travailleurs concernés. Nous avons rédigé un questionnaire pour rassembler ces informations. En 2011, le Comité a été officiellement mis sur pied. Nous nous réunissons régulièrement, environ une fois par mois. Nous observons la situation du CAL dans les différents secteurs et nous estimons ce que nous pouvons faire au niveau des entreprises qui refusent d’octroyer des statuts permanents. Un gros défi est celui des ressources et nous pensons que le gouvernement devrait nous aider.
Quels sont les plus gros défis au niveau du CAL ?
La peur de rejoindre le syndicat. Certains travailleurs sont très positifs, mais d’autres pensent que si la direction venait à apprendre qu’ils veulent se syndiquer, ils seraient licenciés ou sujets à des menaces et intimidations.