9 janvier, 2012
Un rassemblement de masse est prévu, samedi 21 janvier à London, dans l'Ontario, en signe de soutien aux travailleurs de la section locale 27 du Syndicat des travailleurs de l'automobile (TCA) victimes d'un lock-out. Parrainée par la Fédération du travail de l'Ontario (FTO), cette journée d'action contre Caterpillar Inc. débutera à 11 heures dans cette ville de 40.000 habitants du sud-ouest de la province.
Les membres de la section 27 du TCA se sont vu signifier le lock-out en fin de journée, la veille du jour de l'an, par la division Electro-Motive Diesel (EMD) de Caterpillar qui cherchait visiblement l'épreuve de force. Le 30 décembre, les 650 adhérents du TCA avaient voté la grève à 98% et c'est 24 heures plus tard, alors qu'ils reprenaient le travail après un jour férié, qu'ils ont constaté le lock-out.
"Nous considérons que cette mesure est dirigée contre tout le mouvement syndical; nous allons résister et combattre Caterpillar de toutes nos forces," a déclaré le Président de l'OFL, Sid Ryan.
Le lock-out chez EMD, département de Progress Rail Services Corp., fait suite au rejet en bloc par les travailleurs de demandes de concessions déraisonnables en matière de salaires et de prestations réclamées par la firme américaine. Il ne fait aucun doute que le but inavoué de Caterpillar est de délocaliser la production de moteurs de locomotives et autres composants de chemin de fer dans une nouvelle entreprise à bas salaires située à Muncie, dans l'Indiana, aux États-Unis.
L'usine EMD de Muncie est entrée en activité en octobre 2011. Jusqu'au lock-out du réveillon, le TCA et EMD négociaient dans le cadre d'une extension de sept mois de leur convention. Or, EMD n'a jamais cédé sur sa désastreuse proposition de départ qui exigeait une diminution du salaire horaire de 35 à 16,50 dollars canadiens, une réduction de moitié des prestations de santé et la suppression d'un plan de pension.
Le Président du TCA, Ken Lewenza
Dans le même temps, EMD recherchait pour Muncie un directeur des ressources humaines qui, selon l'annonce, devait avoir l'expérience d'une culture d'entreprise où les syndicats n'ont pas leur place et l'habitude d'éviter les syndicats.
EMD paie en moyenne 12 à 16 dollars américains à l'heure à Muncie. Avec sa filiale Progress Rail Services, Caterpillar voudrait détrôner la Transport Division de General Electric (GE), premier fabricant de locomotives de chemin de fer des États-Unis, à un moment où le gouvernement dégage des aides pour les infrastructures et le transport. General Electric compte trois grandes usines spécialisées dans le matériel ferroviaire dont le personnel est syndiqué et verse en moyenne des salaires horaires de 30 $ américains ou plus.
L'usine EMD de London, dans l'Ontario, a été rachetée par Caterpillar en août 2010 pour 820 millions $ américains à Greenbriar Equity Group et Berkshire Partners, deux fonds d'investissement qui l'avaient acquise de General Motors pour le quart de cette somme en 2005, lorsque GM se défaisait de ses activités extérieures au secteur de l'automobile.
Ensuite, Caterpillar avait voulu racheter l'usine de la province d'Ontario, mais elle s'était heurtée à l'opposition du TCA en raison de son bilan social désastreux aux États-Unis. Maintenant, avec Caterpillar aux commandes et jouant ouvertement la concurrence entre les membres du TCA et les travailleurs non syndiqués de Muncie, dont le nombre passera à 650 cette année, l'Unité 2 de la section locale 27 du TCA doit faire le blocus de l'usine de London pour éviter que les machines soient déménagées dans l'usine de l'Indiana, à 350 miles au sud.
Pour le Président du TCA, Ken Lewenza, ce lock-out est "une attaque grave contre les travailleurs, leurs familles et toute la communauté de London."
"Si (Caterpillar) ne compte pas avoir d'activités au Canada, cette réduction salariale a été imaginée comme un moyen de faire porter le blâme par les travailleurs", ajoute Ken Lewenza, invoquant la délocalisation de la production et une éventuelle fermeture de l'usine. À la mi décembre, le TCA a officiellement déposé plainte auprès des autorités pour violation par Caterpillar de la loi sur Investissement Canada.
L'entreprise a bénéficié de dégrèvements fiscaux accordés précédemment aux fonds d'investissement en 2008. En fait, le Premier ministre canadien Stephen Harper l'avait mise en exemple en mars 2008 pour faire la promotion des programmes d'allègement fiscal du gouvernement fédéral. Les acheteurs de l'entreprise avaient ainsi obtenu 5 millions $ canadiens d'allègement fiscal puis 1 milliard de plus pour des investissements industriels en capital.
EMD a d'autres usines de construction ferroviaire situées à Sete Lagoas, dans l'État de Minas Gerais, au Brésil, et à Sahagún, dans l'État d'Hidalgo, au Mexique, une usine qu'elle gère conjointement avec Bombardier. Elle a également une usine dont le personnel est syndiqué à LaGrange, dans l'État de l'Illinois, aux États-Unis. EMD vend des locomotives, des pièces de rechange et des moteurs diesel pour la propulsion marine, le forage pétrolier et la production d'énergie dans 130 pays et a actuellement d'importants contrats avec des firmes fournissant des équipements aux compagnies nationales de chemin de fer d'Egypte, d'Arabie saoudite et d'Afrique du Sud.
Les concessions démesurées réclamées par Caterpillar, le lock-out, auxquels s'ajoutent les lucratives mesures d'incitation du gouvernement antisyndical de l'Indiana pour la nouvelle usine de Muncie sont autant de sujets de préoccupation, surtout lorsqu'il s'agit de deux pays dont les politiques industrielles, adoptées dans le sillage de la crise financière, ne laissent aucune place aux travailleurs.