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Les affiliés réaffirment leur combativité face au CAL lors de la 2e Conférence mondiale

5 janvier, 2012

Une conférence mondiale de l’ICEM consacrée au CAL s’est tenue juste avant le cinquième Congrès statutaire de l’ICEM à Buenos Aires le 23 novembre. La Conférence a rassemblé plus de 400 délégués en provenance de 69 pays qui ont échangé leurs expériences concernant les meilleures pratiques en vigueur, ont évalué le travail accompli sur le CAL et ont tenté d’imaginer à quoi ressemblerait le combat contre le CAL (acronyme anglais utilisé par convention pour Travail en Sous-traitance et Intérim).

La réunion était présidée par Sergio Novais, Vice-président de l’ICEM pour l’Amérique latine et les Caraïbes et l’allocution inaugurale a été faite par le Secrétaire général de l’ICEM Manfred Warda, qui a dit : « Cette conférence concerne un sujet qui figure depuis des années tout en haut de l’agenda politique de l’ICEM. Mais en dépit de nos efforts, le CAL continue à se répandre. Dans certains pays, il est devenu la situation d’emploi habituelle. »

Sergio Novais

Pour les travailleurs individuels, a dit Warda, il y plus d’insécurité d’emploi, un temps de travail moins régulier, des salaires plus bas et moins stables, des prestations inférieures et, dans de nombreux cas, une absence d’accès à la sécurité sociale et de plus grands risques pour la santé et la sécurité. Il existe des preuves pour dire que le CAL est utilisé par les employeurs pour empêcher les travailleurs d’exercer leur liberté syndicale et dans de nombreux pays, les travailleurs CAL sont légalement ou en pratique empêchés de se syndiquer.

La Conférence a débuté par la présentation de la situation du CAL en Asie, Amérique latine, Afrique sub-saharienne et Europe par les Coordinateurs de Projets CAL et par Jörgen Juul Rasmussen, Secrétaire général du DEF (Danemark). Aranya Pakapath, Coordinatrice CAL de l’ICEM pour l’Asie, a commenté une série de récentes péripéties dans le combat contre le CAL. En Inde, après un certain nombre d’ateliers de formation tenus par l’ICEM, le Syndicat indien des Mineurs est parvenu à négocier une clause sur le CAL dans la nouvelle convention du secteur des mines. Elle dit que les entreprises ne doivent pas engager de travailleurs sous-traitants pour des emplois de nature permanente et que le paiement des salaires des travailleurs en sous-traitance doit se faire soit par chèque ou transfert bancaire de sorte à pouvoir prouver la relation d’emploi.
En Malaisie, a dit Pakapath, le gouvernement a essayé l’an dernier d’introduire une législation pour légaliser les agences de recrutement. Après une réunion tenue par l’ICEM et la Confédération des syndicats de Malaisie MTUC, celle-ci a fait pression sur le gouvernement afin qu’il retire sa proposition de loi. Ce qui a été fait, mais le mois dernier elle a été présentée à nouveau et approuvée par le Parlement. Pakapath a souligné les efforts menés par les syndicats en Indonésie, où les syndicats du papier ont réussi à recruter en leurs rangs 580 travailleurs externalisés, alors qu’aux Philippines les syndicats tentent de faire interdire les agences de recrutement par une nouvelle législation et en portant les litiges devant les tribunaux du travail.

Dans son pays d’origine, Pakapath relève qu’EGAT-LU (le syndicat de la régie nationale d’électricité) grâce au soutien et la solidarité du Syndicat danois des électriciens a réussi à faire passer des travailleurs à durée déterminée au statut de travailleurs permanents avec droit à des prestations sociales.

L’ICEM et son affilié allemand IGBCE ont soutenu le syndicat de Linde dans sa lutte pour que l’entreprise de gaz industriels prennent ses responsabilité vis-à-vis des travailleurs CAL et respecte leurs droits, ce qui a finalement abouti à la signature d’un accord entre l’entreprise et le syndicat.

Elias Pintado (Brésil), qui collabore avec Rosane Sasse au niveau du projet CAL de l’ICEM en Amérique latine a évoqué une partie du travail mené par les affiliés de l’ICEM pour combattre le CAL et améliorer la législation sur l’externalisation. Pintado a expliqué qu’à l’exception du Brésil, tous les pays de la région ont des législations spécifiques pour réguler l’externalisation.

Souvent, ces lois stipulent qu’il existe une responsabilité conjointe des employeurs qui ont recours à l’externalisation. Au Brésil, le parlement débat pour l’instant sur 26 projets de loi pour réguler l’externalisation, la plupart visant à rendre possible l’externalisation de pratiquement toutes les fonctions. Les syndicats brésiliens s’efforcent pour l’instant de rassembler un million de signatures pour soutenir un projet de loi particulier qui protégerait les travailleurs.

D’autres syndicats latino-américains ont porté des affaires en justice sur base des législations en vigueur dans leurs pays et ont, dans certains cas, rencontré le succès. En fonction du grand nombre d’affaires à juger au Brésil, la Haute Cour du Travail a tenu des consultations sur l’externalisation. Au Brésil, le Syndicat de la chimie a négocié un code de conduite avec Bayer sur l’externalisation qui stipule que l’employeur a le devoir de discuter du CAL avec les syndicats et de les informer sur les raisons qui motiveraient l’externalisation de certaines activités. Le code garanti que l’entreprise utilisatrice paiera les salaires et les prélèvements des travailleurs CAL si l’agence venait à faire défaut.

Avant qu’une agence ne puisse collaborer avec Bayer, elle doit prouver qu’elle n’a aucune dette concernant des arriérés de salaire. Pintado a informé les délégués que le 28 juillet 2011, la journée contre le CAL en Amérique latine avait été inaugurée lors d’un séminaire en Colombie. A l’issue de ce séminaire, les affiliés de l’ICEM ont écrit aux dirigeants du Mercosur pour proposer qu’il y ait une législation unifiée sur le CAL pour toute la région. De nombreux syndicats de la région ont modifié leurs statuts et mis sur pied des secrétariats dédiés au suivi du CAL et au respect des contrats ainsi qu’à la représentation des travailleurs. Il y a aussi des délégués syndicaux élus parmi les travailleurs CAL.

L’entité du projet CAL de l’ICEM pour l’Afrique sub-saharienne a mené des activités au Sénégal, en Guinée Conakry, au Sierra Leone, au Nigéria, au Mozambique, aux Iles Maurice, en Afrique du Sud et en Namibie. Dans cet ensemble de situations, la région a le but de renforcer les négociations et les campagnes syndicales, de trouver des solutions aux pratiques défavorables et d’influencer les gouvernements afin qu’ils introduisent des législations contraignantes vis-à-vis de l’usage du CAL.

Un rapport de Joseph Toe, Coordinateur du projet CAL de l’ICEM dans la région, a souligné le fait que les syndicats joignent leurs forces en vue d’atteindre ces objectifs communs. En Guinée, les trois affiliés de l’ICEM ont formé un Comité de pilotage sur le CAL ; au Nigéria, les deux affiliés de l’ICEM dans le secteur du pétrole et du gaz travaillent étroitement et il existe une proche collaboration entre les affiliés de l’ICEM en Afrique du Sud et en Namibie.

Toe a souligné la manière dont les Accords Cadres Mondiaux (ACM) avec Anglo Gold Ashanti et Umicore avaient été utilisés pour créer un espace dans les conventions collectives qui étend la couverture à tous les travailleurs. Au Sierra Leone, le Ministère du Travail a conçu un plan d’action pour arrêter l’extension des agences. Au Nigéria, le Ministère du Pétrole a publié des directives pour contrôler les activités des agences.

Les directives concernent les relations professionnelles, les négociations collectives pour les travailleurs CAL ainsi que la sécurité d’emploi et la formation professionnelle pour les travailleurs CAL. Au Mozambique, le SINTIQUIAF a recruté en ses rangs 300 travailleurs CAL, dont la majorité sont des femmes âgées de 18 à 30 ans. Il existe une excellente collaboration entre l’inspectorat du travail et les dirigeants du SINTIQUIAF. Des responsables de l’inspectorat ont participé à tous les séminaires CAL de l’ICEM. Les statuts de certains syndicats ont été amendés, par exemple aux Iles Maurice et au Sénégal, afin qu’il leur soit possible de recruter des travailleurs CAL.

Dans son introduction sur la situation du CAL en Europe, Jörgen Juul Rasmussen du Danemark a indiqué que le travail précaire est la forme d’emploi qui connaît la croissance la plus rapide en Europe et ajouté qu’environ 14% de tous les travailleurs en Europe occupaient un emploi précaire. Au niveau des entreprises, il est vital que les délégués abordent le problème a dit Rasmussen. Au Danemark, les syndicats se battent au niveau national pour inclure des clauses sur le CAL dans les CCT et les tribunaux du travail ont estimé que quand une convention existe, elle doit également s’appliquer aux travailleurs CAL.

En Europe, les syndicats ont pendant de nombreuses années exigé une Directive sur le travail intérimaire ; elle a été adoptée en 2008. Tous les états membres de l’UE ont mis en œuvre cette Directive, bien que certains pays aient trouvé des aménagements à leur niveau. Au plan mondial, les syndicats peuvent avoir recours aux Conventions et Recommandations de l’OIT et, lorsque c’est nécessaire, entreprendre des campagnes mondiales.

Les organisations syndicales européennes EMCEF, FEM et FSE:THC ont adopté pour principe que le CAL est une importante priorité dans les négociations.

Rasmussen a insisté sur certains exemples en Europe dont on peut s’inspirer. Au Danemark par exemple, une convention de premier plan comporte un paragraphe qui dit que les travailleurs CAL doivent avoir les mêmes droits que les travailleurs permanents. En Suède, les syndicats et les employeurs se réunissent dans des commissions conjointes pour autoriser les recours à l’intérim et les intérimaires doivent avoir le même salaire moyen que leurs équivalents permanents.

Un accord de 2010 prévoit que les entreprises ne peuvent pas engager de travailleurs intérimaires si elles ont licencié du personnel permanent au cours des six mois précédents. IF Metall (Suède) a un accord qui stipule que les employeurs doivent négocier avec le syndicat avant d’engager des intérimaires pour plus d’un mois. Dans le secteur de la construction en Belgique, les syndicats sont parvenus à faire interdire, par le biais des conventions collectives, le recours aux contrats à la journée.

La seconde partie de la conférence a vu l’échange des exemples des meilleurs pratiques, avec des panels composés d’affiliés de l’ICEM en provenance des Iles Maurice, d’Inde, des Pays Bas, de Colombie, du Sénégal, de Malaisie, de Turquie et d’Argentine. Sascha Meijer a décrit comment FNV Bondgenoten travaille à protéger les droits de 3 à 4.000 travailleurs migrants impliqués dans un vaste projet de construction aux Pays Bas. Ces travailleurs migrants, dont la vaste majorité travaille via des agences ou des sous-traitants, prestent de longues journées pour de bas salaires, ne perçoivent pas de primes pour le travail du weekend et ont des déductions pour frais de logement et de transport.

Ce n’est pas le bon régime de sécurité sociale qui leur est appliqué et c’est la CCT la moins avantageuse, également inadaptée, qui est d’usage pour eux. Le tout menant à des salaires différents pour le même travail. FNV Bondgenoten a développé aux Pays Bas une nouvelle approche souple pour le recrutement des travailleurs dans ce contexte qui constitue un défi. Ils construisent des bonnes relations avec les travailleurs, utilisent les médias pour dénoncer les agences et employeurs qui exploitent la main d’œuvre et s’assurent que les questions importantes soient transmises au Parlement.

Bondgenoten est train d’établir de meilleurs relations avec les syndicats de leurs pays d’origine et a signé une convention cadre avec des employeurs du secteur de l’énergie sur la question du CAL, qui comprend une procédure de résolution des conflits et nécessite un dialogue régulier. Meijer a souligné le besoin d’une coopération internationale plus forte entre les syndicats pour rendre une adhésion syndicale plus attractive pour les travailleurs migrants.

Les panelistes ont partagé des exemples d’actions menées aux niveaux du pays, d’une entreprise ou d’un syndicat dans le cadre de la lutte en faveur des emplois directs et permanents ainsi que pour l’égalité de traitement. Au niveau national, Sutids, le syndicat des travailleurs de l’industrie du Sénégal a lancé une campagne de sensibilisation dans les médias, a communiqué avec les employeurs et exercé un lobbying auprès du Président du Sénégal, de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Ministère du Travail. Ces actions ont conduit à l’adoption d’un projet de loi sur les agences de recrutement.

Les clauses précisent que les employeurs ne peuvent utiliser les travailleurs temporaires que pour des tâches spécifiques et sur une période de moins de deux ans, que les travailleurs CAL doivent avoir le même salaire que les permanents et qu’à la fin du contrat l’agence devra verser l’équivalent de 7% des rémunérations brutes de l’ensemble du contrat. Sutids a également recruté 1.200 nouveaux travailleurs CAL.

Aux Iles Maurice, en octobre, l’affilié de l’ICEM SYNDICATRAVAYER a signé sa toute première convention collective dans le secteur de la construction en vertu de laquelle les travailleurs CAL aussi bien que les permanents sont couverts. Elle comprend une hausse de salaire de 15% pour tous les travailleurs et prévoit que tous les travailleurs effectuant un travail de même valeur auront une rémunération identique.

L’affilié turc de l’ICEM Petrol-Is a attiré l’attention sur son protocole signé avec Tüpraş, le groupe industriel turc le plus important, qui prévoit que les travailleurs CAL doivent devenir des salariés permanents dès lors qu’ils ont travaillé sept mois pour l’entreprise. La Fédération indienne de la Chimie Mazdoor a indiqué qu’un de ses syndicats affiliés était parvenu à recruter l’ensemble des 650 travailleurs CAL d’une usine chimique, qui ont alors obtenu tous les avantages octroyés aux salariés permanents.

Dans le même temps, quelques cas de syndicats ayant introduit des actions en justice auprès des cours indiennes pour utilisation de faux contrats restent en suspens. Voici plus de dix que Sintracarbón (Colombie) recrute en ses rangs les travailleurs CAL. Quelque 6.000 des 11.000 travailleurs de l’entreprise Carbones del Cerrejón, la plus grande mine à ciel ouvert du monde, sont des travailleurs sous-traitants. Ils font de longues journées, sont loin de leurs familles et sont payés au minimum. Récemment, le syndicat est parvenu à recruter les mécaniciens et travaille sur un cahier de revendication à soumettre au sous-traitant qui les emploie. Au stade actuel, 20% des effectifs de Sintracarbón sont des travailleurs sous-traitants.

Les panelistes ont également abordé les actions menées par les syndicats pour améliorer le recrutement, l’implication active et la représentativité des travailleurs CAL. En Inde, des syndicats spécifiques ont été mis sur pied à l’intention des travailleurs CAL tandis que d’autres leur ont ouvert leurs rangs, c’est le cas par exemple de la Fédération nationale des mineurs qui a syndiqué 10.000 travailleurs CAL. Aux Iles Maurice, SYNDICATRAVAYER a amendé ses statuts et réduit ses cotisations de 50 à 1 roupie. Le syndicat a bâti un immeuble de deux étages que ses membres peuvent utiliser, créé une école où les travailleurs CAL et leur famille peuvent recevoir gratuitement des formations informatiques et mis sur pied un organisme de crédit pour ses membres. En dix-huit mois, 3.000 nouveaux membres ont été recrutés dans le seul secteur de la construction.

Le dernier panel de la journée, comprenant les Secrétaires généraux de la FIOM, de l’ICEM et de la FITTHC et présidé par le Coordinateur du Conseil de Global Unions, Jim Baker, a concentré ses débats sur les stratégies futures. Jyrki Raina, Secrétaire général de la FIOM, a indiqué que le combat contre l’emploi précaire devait être une des priorités clés de la nouvelle fédération syndicale internationale qui sera fondée en juin 2012. Raina a expliqué que la collaboration avec la CSI et les autre FSI était vitale car nous faisons face au puissant lobby des multinationales et de la Ciett qui souhaitent que les institutions internationales légitiment l’extension de l’emploi précaire.

Les employeurs prétendent que les agences de travail temporaires créent de nouveaux emplois mais, a dit Raina, le fait est qu’elles transforment des emplois décents comportant des protections sociales en emplois précaires. Les syndicats doivent travailler à limiter le recours au travail précaire sous toutes ses formes et s’il est mis en œuvre, il faut garantir le même niveau de revenu et de prestations pour tous les travailleurs.

Selon des chiffres du BIT, 80% de l’ensemble des travailleurs sont dépourvu de protection en matière de sécurité sociale et ceci doit être une priorité pour la nouvelle Fédération internationale. Manfred Warda, pour l’ICEM. est revenu sur la Première Conférence Mondiale sur le CAL à Bangkok en 2007 où le problème du CAL avait été identifié. Depuis lors, a dit Warda, un sérieux travail a été mené par les affiliés de l’ICEM et ceux d’autres FSI qui doivent être les fondations de notre travail à venir.

Notre première tâche est de syndiquer, syndiquer et encore syndiquer. Des travailleurs CAL doivent faire partie des équipes de négociateurs et les syndicats doivent les aider à accéder au statut de salariés permanents. Warda a souligné le fait que parmi les facteurs ayant contribué à certaines catastrophes minières récentes, on retrouvait l’absence de formation adéquate à la sécurité de travailleurs qui n’étaient pas des salariés directs. Après la catastrophe de Deepwater Horizon, BP a déclaré que les responsabilités en étaient partagées par plusieurs entreprises sous-traitantes.

Klaus Priegnitz, Secrétaire général de la FITTHC a parlé des conditions de travail dans les usines textiles dans des pays comme les Philippines ou le Bangladesh qui se dégradent encore sous la pression du recours de plus en plus grand au CAL. Le seul objectif poursuivi, a-t-il dit, est une main d’œuvre toujours meilleur marché.

Il a dit que cela devait être combattu au niveau national, en syndiquant et en se renforçant. Nous pouvons utiliser les ACM comme armes pour combattre le travail précaire. Nous devons aussi recourir aux nouveaux Principes directeurs de l’OCDE pour les multinationales. En résumé, les Secrétaires généraux ont attiré l’attention sur l’importance de poursuivre et étendre le travail conjoint mené au travers du Groupe de travail sur les relations professionnelles du Conseil de Global Unions. Ils ont dit que l’ICEM, la FIOM et la FITTHC devraient encore accroître leur collaboration et que la fondation d’une nouvelle FSI était l’étape suivante qui convenait : les trois FSI seront plus fortes ensemble.