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Le travail précaire prend de l’ampleur en Amérique latine … Mais également les actions syndicales

12 décembre, 2010

L’ICEM a tenu, dans le cadre d’une série en cours de rencontres nationales et internationales, des débats sur le travail intérimaire et en sous-traitance (CAL, pour l’acronyme venant de l’anglais et “tercerización” en Amérique latine) lors d’une conférence à Montevideo en Uruguay, les 16 et 17 novembre 2010. Les participants à cette rencontre de la campagne CAL et parrainée par le LO/TCO suédois et la LO norvégienne, venaient d’Uruguay, d’Argentine, du Brésil, du Chili, d’Equateur ainsi que du siège de l’ICEM.

A en juger par les récits faits par les participants, le problème de l’externalisation et du travail précaire semble être au moins aussi répandu en Amérique latine que dans les autres parties du monde. Il a été dit, par exemple, qu’il n’est pas rare que jusqu’à 40 à 50 % de la main d’œuvre de ces pays travaillent pour le compte d’entreprises sous-traitantes, avec des travailleurs faisant souvent le même travail que le personnel permanent mais pour un salaire largement inférieur.

Ceci étant dit, pratiquement dans tous les pays de la région on retrouve à côté d’un grand nombre de pratiques condamnables des récits encourageants de syndicats étant parvenus à contrecarrer une partie du problème.
Dans le pays hôte l’Uruguay, par exemple, certains syndicats ont maintenant affilié des travailleurs CAL et dans le secteur du papier entre autres, la plupart des travailleurs externalisés sont syndiqués. D’autre part, le pays est connu pour son recours répandu aux coopératives, ce qui semble y être un moyen d’éviter la syndicalisation.

Ces coopératives, dont on prétend qu’elles emploient beaucoup de travailleurs, sont souvent très petites et la propriété de travailleurs indépendants qui servent d’autres entreprises plus grandes. En tant que telles, elles sont devenues un maillon d’une chaîne de sous-traitance et il n’est pas inhabituel qu’un département entier d’une entreprise soit converti en une « coopérative indépendante ».

  

Les Coordinateurs du Projet CAL de l’ICEM pour l’Amérique latine Rosane Sasse and Elias Pintado

Au cours des dernières années, l’Uruguay a adopté deux nouvelles législations sur l’emploi temporaire. La plus récente, adoptée en 2007, introduit la notion de coresponsabilité lorsque quelque chose se passe mal dans le cadre d’une relation triangulaire (par exemple lorsque l’on travaille pour une entreprise « tierce » qui n’est pas l’utilisateur « final »).

Cette coresponsabilité, qui a été citée par des syndicalistes de différents pays comme étant un élément clé, assure que les travailleurs peuvent réclamer leurs salaire, allocations et/ou prestations de sécurité sociale à l’entreprise finale dans le cas où leur « employeur réel » est en défaut ou, comme c’est souvent le cas, disparaît purement et simplement.

Une intervention intéressante a été faite par le Coordinateur de Projets de l’ICEM Patricio Sambonino sur la situation du travail intérimaire et en sous-traitance dans son pays d’origine l’Equateur, un pays où le gouvernement a adopté en 2008 une nouvelle loi qui bannit la “tercerización.”

Selon une étude FES-ICEM de 2010, qui se penchait sur les effets de cette nouvelle loi, le succès de cette interdiction de l’externalisation (la clé de voute de cette nouvelle législation qui autorise des exceptions pour le catering, le nettoyage et la sécurité) est mitigé. Parmi les problèmes relevés par l’étude FES-ICEM, on note que les travailleurs qui ont du être réembauchés par l’entreprise finale l’ont parfois été à un salaire inférieur à celui des travailleurs qui étaient déjà permanents. La plupart des travailleurs n’ont pas recouvré leurs droits perdus comme l’ancienneté ou une pension décente. On a encore fait remarquer que certaines entreprises ont depuis trouvé de nouvelles manières d’externaliser.

Le Coordinateur de Projet de l’ICEM Patricio Sambonino

Dans le secteur des mines équatorien, la prévalence du travail informel est telle que la nouvelle loi n’a pas été en mesure de faire de différence. L’étude décrit l’utilisation des coopératives dans les mines et dans de nombreux cas, celles-ci ne sont qu’une autre manière de déguiser de faux indépendants. Dans le secteur du pétrole, la nouvelle loi n’a pas non plus apporté le progrès espéré pour les travailleurs. Dans le secteur de l’électricité, d’un autre côté, les syndicats se réjouissent de la nouvelle législation et de la protection qu’elle apporte car bien davantage de travailleurs ont maintenant des contrats directs et permanents.

Au total, plus de 200.000 travailleurs équatoriens sont devenus permanents depuis 2008. Cette statistique doit être tempérée par le fait que souvent le statut permanent valait pour un an, après quoi les travailleurs pouvaient être licenciés. Ceci a été le cas pour beaucoup d’ouvriers du pétrole. Néanmoins, nombre de travailleurs ont pu pour la première fois rejoindre le système de sécurité sociale et quelques milliers d’entreprise de « sous-traitance » ont fermé leurs portes.

Un autre point important est que, même si cela avait été « prédit » par les opposants à la loi, aucun des gros investisseurs n’a quitté le pays après l’interdiction. Les syndicats, qui n’ont pas été consultés pour la rédaction de la loi, tentent maintenant de corriger les conséquences négatives de ce qui, en essence, est une excellente amélioration pour les travailleurs.

On note aussi le fait que les multinationales présentes en Equateur semblent avoir accepté la nouvelle législation plus facilement que la plupart des entreprises nationales. Il semblerait que les multinationales aient été plus promptes à calculer que ce changement n’entraînerait pas de frais supplémentaires ou en tout cas pas grand-chose en comparaison de leur chiffre d’affaire.

Participants du Séminaire de Montevideo

Un exemple intéressant de “bonne pratique” a été donné par les représentant de l’affilié argentin de l’ICEM FASPyGP (Federación Argentina Sindical del Petróleo, Gas y Biocombustibles).

Dans chacun de ses secteurs (champs pétroliers et gaziers, raffineries), de bonnes conventions collectives existent. Chacune de ces conventions sectorielles couvre aussi intégralement les travailleurs externalisés. Le résultat est que, bien que le taux d’externalisation soit d’environ 60%, tous les travailleurs, CAL ou pas, perçoivent le même salaire et les mêmes avantages à travail égal.

Les participants de cette réunion en Uruguay ont encore reçu des informations sur un projet de loi qui est préparé au Brésil par la CUT, une des confédérations syndicales. Si elle est un jour adoptée, cette proposition renforcerait les lois antérieures qui traitent de la question du travail intérimaire et en sous-traitance, qui prévoient déjà la coresponsabilité dans le cadre de relations de travail triangulaires.

La nouvelle loi introduirait, entre autre, une interdiction d’externalisation des emplois de base, un renforcement de la coresponsabilité, des clauses assurant que le syndicat présent sur le véritable lieu de travail peut représenter les travailleurs CAL, le salaire égal à travail égal ainsi qu’une obligation d’informer les syndicats par avance de tout projet d’externalisation.

Enfin, le séminaire a également abordé une étude réalisée par l’affilié brésilien de l’ICEM FUP qui démontre que, tout bien considéré, il serait en réalité meilleur marché pour le géant pétrolier Petrobras, propriété de l’état, de transformer tous ses travailleurs externalisés en salariés directs. Ceci étant, le chemin est encore long pour Petrobras puisque l’entreprise emploie directement un peu plus de 70.000 salariés pour pratiquement 250.000 travailleurs externalisés.