Jump to main content
IndustriALL logotype
Article placeholder image

Le sauvetage des mineurs met en lumière les carences de la sécurité dans les mines du Chili

18 octobre, 2010

Alors que le monde entier se réjouissait, la semaine dernière, de la libération des 33 mineurs chiliens, des questions se posent sur la chaîne d'événements survenus à la mine de cuivre de San José de la Compañia Minera San Esteban Primera et qui ont provoqué l'effondrement et l'éboulement qui ont enseveli les mineurs pendant 69 longs jours.

Pendant que le Président chilien Sebastián Piñera parade devant les caméras du monde entier, vantant un sauvetage héroïque qui fait appel à un savoir-faire et une technologie de pointe, il est peu probable que ces questions trouveront une vraie réponse. Sebastián Piñera a promis qu'il n'y aurait pas d'impunité pour les propriétaires de la mine et il a ordonné une enquête dont les conclusions seront connues le 22 novembre.

Mais la composition de la commission d'enquête est à elle seule révélatrice des déficiences structurelles de la sécurité minière au Chili : aucun représentant syndical ne participera. Pour les syndicats de mineurs chiliens, depuis des décennies le gouvernement chilien refuse d'entamer un dialogue tripartite pour améliorer la situation et répond aux représentants des travailleurs que leur rôle est de négocier des questions économiques, pas de s'ingérer dans les questions de santé et de sécurité.

Selon les syndicats, les représentants du gouvernement et de l'industrie minière refusent systématiquement toute demande de ratification de la convention 176 de l'OIT sur la sécurité et la santé dans les mines parce qu'ils ne seraient plus entièrement maîtres du jeu. Un dirigeant syndical a déclaré à l'ICEM qu'avec les énormes investissements privés faits dans l'industrie minière chilienne, il a vu défiler des cohortes d'envoyés de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), mais jamais un représentant de l'OIT.

Les faits qui sous-tendent le piteux bilan de San Esteban en matière de sécurité doivent être révélés pour pouvoir comprendre les barrières structurelles qui empêchent des pratiques respectueuses de la sécurité dans les mines du Chili. Dès 2004, le seul organisme syndical de San José, le Syndicat n°2 de la Compañia Minera San Esteban, s'est adressé aux tribunaux pour demander la fermeture de la mine pour des raisons de sécurité. Les procédures n'ont pas abouti.

En janvier 2007, à la suite d'un éboulement qui tua un travailleur, le Service national de la géologie et de la mine (SERNAGEOMIN) avait ordonné la fermeture de la mine, mais un autre inspecteur de cet organisme a ordonné sa réouverture quelques mois plus tard, apparemment à la suite de pressions politiques.

Cette réouverture était soumise à condition, les deux propriétaires promettant de ménager une deuxième voie d'évacuation de secours, d'améliorer la ventilation et de procéder à d'autres améliorations essentielles dans une mine sujette aux éboulements après des abattages à l'explosif. Aucune de ces promesses n'a été tenue et aucune visite d'inspection n'a suivi.

Six mois avant le 5 août, le consultant en sécurité de San Esteban a démissionné, impuissant devant une multitude d'infractions à la sécurité. Il évoquait l'absence de soutènements, des boulons d'ancrage trop courts et trop espacés par rapport aux normes et d'énormes blocs de roche non évacués après des tirs de mines. En résumé, aucune des conditions préalables de la convention 176 de l'OIT – une deuxième voie d'évacuation, des inspections régulières, la consultation des syndicats, des organes réglementaires habilités à fermer et garder fermées les mines dangereuses, le droit des travailleurs de refuser un travail dangereux - n'était respectée à la mine de San José et, à n'en pas douter, dans quantité d'autres mines chiliennes.

(Pour la campagne mondiale de l'ICEM pour la ratification de la convention 176 de l'OIT, cliquez ici.)

Une chose est sûre : le Président Piñera, le ministre des Mines Laurence Golborne et les dirigeants de la compagnie minière d'État Codelco notamment ont mis sur pied une opération de classe mondiale qui a permis de sauver les 33 mineurs de San José. Le Chili est un des premiers producteurs mondiaux de minerais mais, pour ce qui est des procédures de sécurité dans ses mines, il vient plutôt en queue de peloton.

À l'issue de l'opération de sauvetage, des dizaines d'affiliés de l'ICEM ont publié des communiqués. Le National Union of Mineworkers (NUM) a félicité les Chiliens "pour la réussite de l'opération de secours" et ajouté que, le principal de l'aide technique étant venu d'Afrique du Sud, les mineurs sud-africains sont en droit d'attendre mieux chez eux en termes de décès de mineurs.

"Plus de 90 mineurs sont morts depuis janvier et la sécurité dans les mines sud-africaines progresse à pas de tortue tandis que l'industrie continue à se leurrer et à leurrer ceux qui croient que les choses s'améliorent", peut-on encore lire.

Le Syndicat australien de la construction, la sylviculture, la mine et l'énergie (CFMEU) a fait savoir qu'en août, il "a commencé à collecter des fonds pour aider [les 33 mineurs] et leurs familles. Ces gens n'ont rien et travaillent dans les conditions les plus dures au monde." La campagne du CFMEU a rassemblé 20 millions de pesos, soit environ 40.000 $ australiens, et la collecte continue.

Le syndicat australien a enregistré un hommage par vidéo qu'on peut voir ici.

L'United Mineworkers of America (UMWA) a déclaré pour sa part : "… ces réjouissances doivent aussi être l'occasion de tirer des enseignements pour ceux qui réglementent l'activité minière dans le pays et à l'étranger. Toutes les mines du monde entier, où qu'elles soient et quels que soient les défis techniques, doivent fonctionner dans des conditions qui font passer la sécurité des mineurs avant toute autre considération."

"La législation sur la sécurité minière la plus rigoureuse n'est efficace que si le législateur a la volonté et les moyens de la faire appliquer. Tandis que nous nous réjouissons du sauvetage de nos camarades chiliens, tirons aussi les leçons des erreurs qui ont mis leurs vies en grand péril."

En Allemagne, l'IGBCE pense que cette mésaventure doit nous inciter à soutenir les mineurs chiliens dans leur combat pour des conditions de travail sûres. L'ICEM met justement à profit cette catastrophe minière pour appeler les gouvernements du monde entier à ratifier la convention de l'OIT et appliquer les normes de sécurité qu'elle renferme.

Et Los Mineros, le Syndicat mexicain des mineurs et métallurgistes (SNTMMSRM), compare ce gigantesque effort pour secourir les mineurs chiliens avec le refus de son gouvernement d'ouvrir la moindre enquête sur la catastrophe minière de février 2006 qui avait fait 65 morts.

Les 33 mineurs chiliens sont saufs et ils ont retrouvé leurs familles. Mais ils ont été aux portes de la mort, et qui peut dire maintenant si le gouvernement chilien va apporter des changements structurels à la sécurité dans les mines.