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Interview avec Reeaz Chuttoo du CMCTEU

12 décembre, 2010CMCTEU - Syndicat de la Chimie, et des Industries Manufacturières de l’Ile Maurice

Quelle est l’importance du CAL en Ile Maurice ?

Toute l’histoire de l’Ile Maurice est l’histoire du CAL pour ainsi dire. Il est traditionnel d’avoir des travailleurs saisonniers sur les plantations de cannes à sucre. Il est accepté par tous que c’est une condition de la survie de l’économie. Mais, avec l’introduction du secteur textile, nous avons connu de plus en plus de travailleurs dans des emplois précaires, y compris des travailleurs migrants recrutés à cet effet en Chine.

La législation du travail a été réformée en 2006 et les migrants n’ont plus à suivre de procédure : ils viennent sur l’île avec un visa de touriste et cherchent un emploi. La protection contre le licenciement a été retirée de la loi, donc d’une certaine manière, tous les travailleurs en Ile Maurice sont logés à la même enseigne. Il n’existe pas de prime de licenciement pour les travailleurs de moins de 60 ans. Maintenant, l’externalisation existe même dans les sphères les plus traditionnelles de l’économie et le mode de fonctionnement s’apparente à celui de la mafia.

Comment la loi protège-t-elle des abus à l’égard des travailleurs CAL ?

La nouvelle législation prévoit que les travailleurs ne doivent pas travailler plus de 90 heures par quinzaine, mais ne limite pas le nombre d’heures par jour ou par semaine. Dans certains cas, des employeurs font travailler des sous-traitants, des migrants ou autres 20 heures par jour sans payer d’heures supplémentaires. Une plainte déposée au BIT a eu une suite favorable en 2009 mais en dépit de cela, l’Ile Maurice a obtenu la première place dans le rapport Doing Business de 2010 de la Banque Mondiale.

Depuis 2006 nous avons connu un progrès économique considérable. Le taux de chômage officiel n’est pas significatif puisqu’il ne prend pas en compte le grand nombre de travailleurs du secteur informel.

En quoi les conditions différent-elles pour les travailleurs CAL ?

Les travailleurs CAL sont obliges de travailler les dimanches. Pour les nouveaux recrutements, la définition de la semaine de travail n’est plus du lundi au dimanche mais peut être n’importe qu’elle suite de sept jours consécutifs. Les travailleurs CAL doivent avoir une flexibilité totale en ce qui concerne leur temps de travail et leur heure de prise de service. De plus, les travailleurs CAL ne sont pas protégées contre les dangers pour leur santé et leur sécurité. Les personnes sont transformées en bien de consommation.

Les travailleurs migrants effectuent les mêmes jobs mais n’ont pas le même salaire. Ils ne reçoivent pas de prime de productivité et aucune allocation de repas. Le Ministère du Travail ne prend pas en compte leurs plaintes. Les employeurs ont la faculté de renvoyer tout travailleur qui se plaindrait et beaucoup sont tellement endetté vis-à-vis des filières dont ils sont issus qu’ils n’ont pas le choix et doivent accepter ces conditions.

L’exploitation des travailleurs CAL est lourdement sous-tendue par la discrimination. La loi elle-même prévoit que les travailleurs existants doivent conserver les mêmes conditions de travail. Mais les nouvelles recrues ont de pires conditions. Les employeurs se débarrassent donc les anciens travailleurs injustement et pour des peccadilles, par exemple en les accusant simplement de devenir improductifs à cause de leur âge.

Y a t’il de l’hostilité entre travailleurs CAL et permanents? Si oui, comment votre syndicat gère- t-il cette situation?

Il existe de l’hostilité entre les travailleurs CAL et les permanents dans les secteurs de la construction et du textile. Dans ces deux secteurs, de nombreuses entreprises ferment et rouvrent sous un autre nom et n’emploient alors que des migrants. Il y a des différences culturelles. Il a fallu quatre à cinq ans pour faire tomber les barrières, mais en général tous sont maintenant convaincus qu’il faut que nous défendions les droits des travailleurs migrants. Dans la pratique, les travailleurs migrants ne peuvent pas se syndiquer.

Quelles autres mesures sont prises par votre syndicat en matière de CAL ?

Depuis 2006, différentes formes de taxation ont été réduites pour les très riches. Les syndicats se sont constamment manifestés contre ça, car c’est injuste. En 2009, le gouvernement a introduit un système de responsabilité sociale des entreprises par lequel 2% des bénéfices nets doivent être payés sous forme de taxe visant à financer des projets sociaux. Le CMCTEU a proposé que la moitié de cette taxe nouvelle aille aux travailleurs : la responsabilité sociale envers les travailleurs doit venir avant la responsabilité sociale des entreprises, en particulier pour les travailleurs CAL qui sont exploités. Ceci financerait une prime à payer chaque année et chacun, y compris les travailleurs migrants, en recevrait une part égale.

Nous espérons que le gouvernement va marquer son accord sur cette proposition et nous avons le soutien des media et de la société civile.

La force du syndicat est sa capacité à garder ses membres. Le CMCTEU a commencé par analyser le comportement des travailleurs et s’est rendu compte que ceux-ci ont pour première préoccupation de rembourser leurs dettes : plus de 70% des travailleurs mauriciens sont endettés. Le syndicat a créé une école d’IT, ouverte à tous les travailleurs et leurs familles, une coopérative de crédit avec des taux d’intérêts bas et nous sommes en train de réaliser dans un bâtiment de deux étages des locaux qui seront mis à la disposition des membres pour des rencontres à caractère social.

Nous faisons évoluer la perception des travailleurs et ceux-ci s’intéressent davantage au syndicat. Nous avons diminué radicalement les cotisations et nous avons gagné directement 3000 nouveaux membres. Nous avons également amendé les statuts du syndicat : dorénavant, toute femme est considérée comme travailleuse même si elle travaille depuis son domicile. La construction est le secteur avec le plus grand nombre de nouveaux membres, y compris dans les usines cimentières et la distribution du pétrole. Dans la construction, 85% des travailleurs sont employés à durée déterminée et ceux qui se syndiquent ont des gros problèmes.

A l’avenir, nous allons accorder la priorité à des primes de licenciement pour les travailleurs journaliers basées sur le nombre de mois prestés. Ce principe a été approuvé par les experts du BIT et maintenant ce ne sont que les employeurs qui s’y opposent, mais je suis sûr que nous pouvons gagner.