4 juillet, 2011
Le 24 juin, le Syndicat australien des travailleurs (Australian Workers' Union – AWU) a obtenu une décision sans appel de la commission Fair Work Australia lui accordant l'accès aux cantines de l'usine d'aluminium Alcan de Rio Tinto située à Bell Bay, en Tasmanie. Cet arrêt met fin à plusieurs mois de procédure judiciaire et devrait servir de précédent contre les employeurs qui refusent aux syndicats le droit légitime de contacter les travailleurs dans les entreprises.
Le 1er juillet, deux ans jour pour jour après l'adoption de la loi Fair Work de 2009, qui légitime cet accès aux travailleurs, le Secrétaire national de l'AWU, Paul Howes, et trois délégués centraux du syndicat ont triomphalement rencontré leurs adhérents dans les cantines de l'aluminerie Alcan de Bell Bay, sonnant ainsi la fin de la consigne imposée par Rio Tinto qui voulait que ces réunions se tiennent dans les locaux administratifs, là où la surveillance et l'intimidation de la direction est en général plus forte.
Le cas des 550 travailleurs de l'aluminerie Alcan avait valeur de test en Australie pour l'application de la loi Fair Work, un texte qui supprime bon nombre des prérogatives dont jouissaient les employeurs en vertu de la législation WorkChoices du précédent gouvernement conservateur (voir un précédent article de l'ICEM sur Bell Bay ici). Il signifie aussi qu'un grand pas a été franchi sur la voie d'une négociation digne de ce nom entre l'AWU et Alcan.
L'AWU, qui compte la majorité des travailleurs d'Alcan de Bell Bay parmi ses adhérents, a mis a profit cette décision de Fair Work Australia pour relancer une campagne de publicité axée sur le recrutement de travailleurs de Rio Tinto non syndiqués. Cette campagne, lancée au départ en mars, dit que des opérateurs de process d'autres alumineries d'Australie, représentés par le syndicat, chez Alcoa notamment, touchent jusqu'à 20.000 $ australiens de plus par an que ceux de Bell Bay.
L'AWU a annoncé qu'il allait mettre à profit cette décision pour rencontrer ses adhérents dans un même cadre dans les usines d'Alcan de Gladstone (Boyne Island) et Yarwun, dans le Queensland.
Paul Howes
"Ne vous y trompez pas, les brutes de Rio Tinto sont en train de perdre l'emprise qu'ils avaient sur leur personnel," déclare Paul Howes dans un article de presse australien. "Cette décision est hautement symbolique à ce propos et je sais qu'elle met la direction dans le pire des embarras."
Cette décision – FWA Case 3878 – juge l'insistance d'Alcan pour la tenue des réunions dans une salle d'un bâtiment administratif déraisonnable. Les travailleurs perdent de 8 à 15 minutes de plus pour s'y rendre et cela leur prend trop de temps pour pouvoir encore rencontrer les représentants de l'AWU pendant les pauses qui leur sont accordées.
L'arrêt de Fair Work Australia rejette aussi l'argument d'Alcan selon lequel les cantines proches des lieux de travail sont trop petites pour tenir ces réunions dans les conditions requises par la loi et que les discussions entre les travailleurs et le syndicat dérangeraient leurs collègues pendant les pauses.
Rio Tinto Alcan se dit en désaccord avec cette décision mais, cette fois, elle ne fera pas appel. Elle fait remarquer que l'AWU a fait une vingtaine de visites pour rencontrer des adhérents dans des salles de réunion et que l'arrêt du 24 juin reconnaît que la direction n'a rien fait pour intimider les travailleurs ou les empêcher de rencontrer les délégués dans ces salles.
Le Secrétaire de l'Australian Council of Trade Unions (ACTU), Jeff Lawrence, a dit que la décision de Bell Bay "envoie un message positif aux autres employeurs leur disant qu'ils doivent respecter les droits fondamentaux des travailleurs en matière de négociation collective et de syndicalisation."