10 octobre, 2017Le fabricant de composants de véhicules à moteur japonais se lance dans une répression brutale après la création d'un syndicat par les travailleurs.
Y-Tec épie les adhérents au moyen de caméras de surveillance, les soumet à des tests de dépistage de drogues inopinés, a licencié certains et forcé d'autres à démissionner, et porté plainte pour diffamation contre le président du syndicat pour des propos postés dans des médias sociaux.
Le fabricant, installé à Prachinburi, en Thaïlande, appartient à Yamashita Rubber. Il emploie près de 2.000 personnes pour produire des durites, des silentblocs, des coussinets de suspension et des amortisseurs dynamiques pour Daihatsu, Isuzu, Suzuki, Sanyo et d'autres entreprises. Il a deux usines à Prachinburi, inaugurées en 1997 et 2013.
Les usines de Prachinburi font partie d'un complexe industriel composé de plusieurs entreprises-sœurs constituant une même chaîne d'approvisionnement. Les syndicats ne sont pas reconnus, mais les travailleurs organisent parfois des grèves sauvages et des actions de protestation contre leurs conditions de travail.
La Confédération des travailleurs thaïs des appareils électriques, de l'électronique, l'automobile et la métallurgie (TEAM), affilié à IndustriALL Global Union, a aidé leurs travailleurs à constituer et faire enregistrer un syndicat.
Début décembre 2016, le mécontentement a commencé à gronder parmi les travailleurs qui n'avaient pas reçu une prime qui leur avait été promise. La situation s'est dégradée après une provocation du DRH et la police, l'armée et des agents de sécurité ont été appelés pour faire revenir le calme.
Sept travailleurs ont été désignés en tant que négociateurs et ils ont fait enregistrer le Syndicat des travailleurs des pièces automobiles de Prachinburi le 26 décembre, ont recruté des adhérents et demandé sa reconnaissance par Y-Tec.
La direction a immédiatement riposté en isolant les membres du syndicat du reste du personnel en les affectant au travail de nuit. Quelque 90 travailleurs qui avaient participé à l'action de protestation ont été convoqués à une réunion et priés de démissionner pour "destruction de la relation de travail".
Après leur refus, la direction a forcé 32 adhérents à démissionner en raison d'une "restructuration". De l'argent leur a été offert sous la menace d'être renvoyés s'ils n'acceptaient pas.
Bien que 22 travailleurs aient accepté l'offre de la direction, le syndicat a déposé plainte auprès du Comité des relations de travail (CRT), l'organisme d'arbitrage officiel. L'entreprise a accentué la pression sur le syndicat, proposant des pots-de-vin au président pour le dissoudre, installant des caméras pour enregistrer les adhérents et les soumettant à des tests de dépistage de drogues.
L'entreprise a aussi voulu soudoyer des adhérents pour qu'ils incitent d'autres à démissionner. Devant l'échec de la manœuvre, l'entreprise a porté la somme à 6.000 $ chacun. Quatre travailleurs ont accepté l'offre.
À ce moment, le CRT a statué en faveur des travailleurs et ordonné leur réintégration. L'entreprise n'a pas obtempéré et elle s'est pourvue en appel.
Le président du syndicat, Ruangsak Klaimala, a été transféré de son poste de contremaître à un emploi manuel nouvellement créé et moins bien rémunéré. Lorsqu'il a déposé plainte au CRT, la direction l'a assigné en diffamation pour un message posté sur des médias sociaux, puis elle l'a licencié en invoquant son inculpation au pénal.
Elle a aussi porté plainte en diffamation contre une personnalité du monde académique auteur d'un article critiquant ses pratiques.
IndustriALL a envoyé une lettre à Yamashita pour demander à la société-mère d'intervenir.
Le Secrétaire général Valter Sanches a écrit :
"IndustriALL Global Union appelle d'urgence Yamashita Rubber à intervenir auprès d'Y-Tec pour que soient mises en place les nécessaires structures de dialogue et de coopération entre la direction et le syndicat, pour qu'elle collabore pleinement avec le Comité thaï des relations de travail dans la procédure de médiation, et assure le respect total des droits fondamentaux de l'homme."
En 2015, IndustriALL a déposé plainte à l'OIT contre la Thaïlande pour non-respect des normes du travail.