21 avril, 2016Par Jenny Holdcroft, Directrice politique d’IndustriALL Global Union.
La Fashion Revolution Week commémore le troisième anniversaire de Rana Plaza, la plus grande tragédie de l’industrie de la confection, qui a coûté la vie à plus d’un millier de travailleurs et travailleuses au Bangladesh.
Alors que nous posons la question #whomademyclothes (qui a fabriqué mes vêtements), l’attention se porte sur les millions de travailleurs et travailleuses de la confection qui fabriquent les vêtements que nous portons.
For @Fash_Rev week we're asking: #whomademyclothes? Have they signed @banglaccord? Textile workers need unions #FQT pic.twitter.com/YWwtsJI7dM
— IndustriALL (@IndustriALL_GU) April 18, 2016
Mais que pouvons nous faire pour ces travailleurs, qui sont à 80% des femmes ?
Certainement pas nous limiter à acheter des vêtements vintage ou de seconde main, comme deux égéries de la mode l’ont récemment proposé lors d’une émission de radio de la BBC. Les travailleurs et travailleuses de la confection ont désespérément besoin de leur emploi. Ils et elles veulent travailler. Dans de nombreux pays, l’industrie de la confection est l’une des rares voies vers l’indépendance financière pour les femmes.
Ce que les travailleurs et travailleuses de la confection ne veulent pas, ce sont des salaires de misère, des temps de travail excessifs et des usines dangereuses.
Selon les Principes directeurs des Nations Unies, les entreprises multinationales sont responsables des conditions de travail chez leurs fournisseurs. Pourtant, de nombreuses enseignes de mode ont peu de contrôle, voire pratiquement aucune idée, de combien les travailleurs et travailleuses sont payés, de leur temps de travail ou du niveau de sécurité de leurs usines et une volonté insuffisante d’y changer quoi que ce soit.
Des délais courts, des changements de dernière minute aux spécifications de production et l’absence générale de considération pour l’impact sur les travailleurs et travailleuses que posent les exigences formulées par les enseignes mettent une pression impossible à gérer sur les épaules des femmes qui fabriquent nos vêtements.
Pourquoi les travailleurs et travailleuses de la confection doivent-ils subir des salaires et des conditions de travail médiocres en dépit de leur contribution aux bénéfices phénoménaux des grandes marques mondiales ? Amancio Ortega, fondateur de Zara, est le deuxième homme le plus riche du monde avec une fortune personnelle de 70 milliards de dollars.
Tout changement apporté à l’industrie de la confection doit être systémique et exécutoire. Agir seul ne conduira pas aux changements nécessaires à l’amélioration de la vie des travailleurs et travailleuses de la confection.
Chanter sur tous les toits les mérites de vos propres références en matière de responsabilité sociale est sans intérêt, à moins que vous ne collaboreriez avec vos concurrents pour modifier le mode sur lequel les vêtements sont commandés et commercialisés.
Les usines de confection dans des pays tels que le Cambodge et le Bangladesh produisent pour différentes marques. Si une usine augmentait ses prix de manière significative, d’autres vendraient moins cher et elle partirait en faillite.
Il faut atteindre une masse critique d’enseignes qui s’éveillent aux réalités et se rendent compte que le fonctionnement de leurs chaînes d’approvisionnement est abusif et intenable.
L’effondrement du Rana Plaza le 24 avril 2013 a marqué un tournant dans l’industrie de la confection et a démontré que l’auto-régulation et l’auto-contrôle par les enseignes des usines de leurs fournisseurs avaient été une faillite catastrophique.
C’est ce qui a rendu possible l’Accord du Bangladesh sur les mesures de sécurité qui ont trait aux incendies et aux bâtiments, un accord innovant, juridiquement contraignant entre des Fédérations syndicales internationales et plus de 200 enseignes de mode multinationales en vue de l’inspection et de la mise en conformité de plus de 1.600 usines de confection.
Ce sont des collaborations entre les enseignes et les syndicats, comme dans le cas de l’Accord du Bangladesh, qui ont les meilleures chances de succès et de susciter un réel changement.
Mon organisation, IndustriALL Global Union, collabore maintenant avec un groupement d’enseignes engagées qui comprennent Top Shop, Primark et Next dans un processus appelé ACT, qui a le potentiel de révolutionner les chaînes d’approvisionnement mondiales de la confection.
Le but est de mettre en place des négociations salariales au sein des pays fournisseurs de vêtements qui impliquent les syndicats, les usines et les enseignes sur base sectorielle. Fixer des salaires plus élevés dans l’ensemble du secteur empêche les usines et les enseignes prises isolément de négocier des prix inférieurs reposant sur des salaires plus bas.
Pour y parvenir, les enseignes doivent réformer leurs politiques d’achat de manière à ce que les usines puissent payer davantage leurs salariés. Un accord sectoriel fournit la possibilité de négocier de meilleures conditions de travail ainsi que des gains de productivité.
Le processus ACT est déjà en œuvre au Cambodge et il est prévu de l’étendre au Bangladesh, au Myanmar et au Pakistan.
Les travailleurs et travailleuses de la confection ont besoin d’un canal d’expression et doivent pouvoir utiliser leur force collective pour démontrer que, sans eux, rien en pourrait se faire. C’est pourquoi les enseignes aussi bien que les consommateurs doivent les soutenir dans leurs efforts visant à se syndiquer et à se battre pour de meilleurs salaires et conditions de travail.
Who made your clothes?