12 juin, 2015A Madagascar, deux membres du personnel de l’exploitation de nickel de Sherritt International, qui vaut des milliards de dollars, ont tenté de se suicider après avoir appris être parmi les 1.100 travailleurs licenciés sans préavis la semaine dernière. Tragiquement, une travailleuse a succombé à son geste. L’autre victime est à l’hôpital après avoir survécu à sa tentative.
Sherritt, une multinationale d’origine canadienne, exploite la mine et les installations de traitement de nickel d’Ambatovy à Madagascar, où elle est l’actionnaire majoritaire. Ambatovy est la plus grande exploitation au monde de nickel et de cobalt finis au départ de minerai latéritique.
Le 3 juin, Sherritt a annoncé de manière inattendue qu’il mettait à la porte 1.100 des travailleurs d’Ambatovy. Ce nombre de licenciements chez Ambatovy représente 12% des emplois directs et indirects de Sherritt au niveau mondial.
Lorsque les travailleurs se sont présentés à l’usine d’Ambatovy le vendredi 5 juin, ils ont été refoulés et informés qu’ils avaient perdu leur emploi. Certains sont allés jusqu’à se défaire de leurs vêtements de travail et ont entrepris de rentrer chez eux pieds nus.
Le caractère soudain des licenciements a conduit à une situation désespérée pour les travailleurs et leurs familles, nombre d’entre eux ayant contracté des emprunts pour construire leur maison sur foi de leur emploi auprès de la compagnie minière. Les travailleurs mis à pied se sont tout juste vus offrir un mois de salaire en guise de prime de licenciement.
Pas plus tard qu’en octobre dernier, Sherritt annonçait que le site d’Ambatovy se verrait épargner les 10% de pertes d’emplois qui affectent ses autres sites de par le monde dont ceux de Cuba, d’Espagne et du Pakistan, faisant de la mine de Madagascar sa principale priorité après un investissement de 7 milliards de dollars.
Les performances d’Ambatovy ont été jugées excellentes en 2014 et l’entreprise a annoncé une hausse de 11% de ses revenus au départ de ce site pour le premier trimestre.
Les objectifs de production ont été atteints en mars, en avance sur le programme, en dépit d’un arrêt de deux semaines en raison de problèmes techniques, ainsi que d’une grève de 17 jours sur le site d’extraction de Moramanga. Sherritt avait encore annoncé que la production d’avril n’avait pas été affectée par une autre grève de 10 jours à l’usine de Tamatave.
En mai, l’entreprise a déclaré que la chute continue des cours du nickel sur les marchés mondiaux a eu un effet adverse sur ses bénéfices et que les grèves et la fermeture de son usine d’Ambatovy pendant deux semaines avaient contribué au déclin des bénéfices.
Les syndicats rejettent les affirmations de Sherritt selon lesquelles les actions de grève avaient affecté les bénéfices et disent que les licenciements massifs sont en fait des représailles impitoyables envers les tentatives des travailleurs d’obtenir des salaires équitables pour les locaux par rapport au personnel étranger et les protestations contre le département des ressources humaines à propos de plus de 50 cas de licenciements abusifs.
Après une conférence de presse convoquée par la direction d’Ambatovy, les médias locaux ont violemment attaqué les syndicats pour avoir contribué aux difficultés financières de l’entreprise et aux pertes d’emploi. L’absence d’accès pour les syndicats aux données financières chez Ambatovy empêche de pouvoir déterminer réellement si la décision soudaine de supprimer 1.100 postes est due à des raisons financières ou est une forme de représailles aux grèves qui ont précédé.
Les syndicats affirment que différentes procédures requises par la législation nationale du travail n’ont pas été suivies au moment de décider et de mettre en œuvre le plan de licenciement.
IndustriALL compte des affiliés dans le secteur des mines à Madagascar. Le Directeur pour les Mines d’IndustriALL, Glen Mpufane, a déclaré :
“Nous présentons nos plus sincères condoléances à la famille de la travailleuse qui s’est suicidée. Il apparaît évident que le sort de plus d’un millier de mineurs n’a pas d’importance pour une direction dont la seule préoccupation est le profit. IndustriALL appelle le gouvernement de Madagascar à prendre des mesures dans l’intérêt des travailleurs et travailleuses. La législation du pays exige que les travailleurs soient consultés et un plan de licenciement mis en place. Si cela avait été respecté, peut-être la vie de cette travailleuse aurait-elle été épargnée.”