1 avril, 2025L'incertitude économique grandissante et les tensions géopolitiques exacerbent les difficultés que connaît depuis longtemps l'industrie sidérurgique. IndustriALL Global Union, IndustriALL Europe et la TUAC appellent les gouvernements participant au 9ème Comité de l'acier de l'OCDE à veiller à ce que les travailleurs ne fassent pas les frais de ces pressions par une diminution des salaires réels, une dégradation des conditions de travail et des pertes d'emplois.
Comme par le passé, les chiffres de l'OCDE confirment que la capacité mondiale de la sidérurgie continue d'augmenter malgré la faiblesse de la demande et des perspectives économiques moroses. Fin 2024, cette capacité atteignait 2.472 millions de tonnes et elle devrait encore augmenter dans les prochaines années. Près de la moitié de cette capacité se trouve en Chine où le recul de la demande intérieure depuis 2020 l'a incitée à s'orienter vers les marchés à l'exportation, accroissant ainsi la pression sur d'autres pays.
Par ailleurs, de nouveaux droits de douane, y compris entre grands pays de l'OCDE, ajoutent encore à l'incertitude, ce qui pourrait avoir un impact négatif sur la demande et l'investissement et mettre en danger l'emploi dans la sidérurgie partout dans le monde.
Les syndicats rappellent que la surcapacité et la montée des tensions commerciales ne sont qu'une facette du problème, l'autre étant la faiblesse de la demande intérieure. Les représentants des syndicats au Comité de l'acier de l'OCDE réclament des politiques industrielles ambitieuses et complètes qui relancent la demande et relèvent les normes en incorporant des critères sociaux et environnementaux. Ils exhortent aussi les grandes entreprises à réinvestir leurs bénéfices dans de nouvelles technologies vertes afin de stimuler une croissance économique durable qui aura des retournées positives dans d'autres secteurs.
Pour l'instant, les grands pays de l'OCDE réagissent en ordre dispersé. Aux États-Unis, la hausse des droits de douane s'accompagne d'une volonté de faire reculer les énergies propres et des projets industriels approuvés dans le cadre de la Loi sur la réduction de l'inflation. Dans l'Union européenne, le relâchement des contraintes budgétaires pour les achats de défense pourrait ne pas être la meilleure solution pour relancer la production européenne, la majorité des achats se faisant hors UE et un découplage d'avec les fournisseurs américains accompagné d'une augmentation des capacités de production européennes pourraient prendre des années. Pendant ce temps, d'autres priorités urgentes - comme le financement de la cohésion sociale et l'investissement dans les infrastructures, la santé et l'enseignement - perdent du terrain.
Veronica Nilsson, la secrétaire générale de la TUAC, met en garde :
"Comme ce fut le cas pour la sidérurgie, des investissements publics insuffisants et une consommation privée faible exposent davantage les industries nationales confrontées à des tensions commerciales. Plutôt que de rechercher un assainissement budgétaire, limiter les investissements publics et dévaloriser les salaires par des réformes du marché du travail qui réduisent la protection des travailleurs et leur force de négociation, les pouvoirs publics devraient privilégier des politiques budgétaires expansionnistes et des politiques industrielles ciblées qui renforcent la résilience intérieure tout en protégeant les emplois de qualité et les droits des travailleurs."
Pour Christina Olivier, secrétaire générale adjointe d'IndustriALL Global Union,
"Il faut que les gouvernements adoptent des stratégies industrielles proactives qui alignent les objectifs économiques, environnementaux et sociaux. La sidérurgie est l'épine dorsale de nos économies; en protégeant ce secteur, on protège les travailleurs, les communautés et l'avenir du secteur manufacturier."
Judith Kirton-Darling, la secrétaire générale d'IndustriALL Europe, conclut en ces termes :
"La sidérurgie européenne est à la croisée des chemins. Sans une intervention d'urgence pour stimuler la demande et mobiliser l'investissement, nous risquons de perdre une capacité industrielle cruciale et des emplois de grande qualité. Ce n'est pas aux travailleurs de supporter le poids des tensions commerciales et de l'incertitude économique. Nous avons besoin d'une politique industrielle européenne coordonnée qui préserve les emplois de qualité et fait de la promesse d'une transition juste une réalité."