26 février, 2016Alors que nous venons à peine de repousser une attaque des employeurs contre le droit de grève à l'OIT, les syndicats britanniques et espagnols sont à leur tour en première ligne. Et d'autres pays pourraient suivre.
Pendant trois ans, le groupe des employeurs a paralysé les travaux de l'Organisation internationale du travail (OIT) en prétendant que le droit de grève ne relève pas du droit international alors que, pendant des décennies, cela était universellement reconnu par les gouvernements, les travailleurs et les employeurs eux-mêmes. Après une campagne syndicale mondiale, les employeurs ont finalement fait machine arrière en février 2015.
Mais la bataille n'est pas gagnée pour autant. En novembre, le gouvernement conservateur britannique a présenté un projet de loi sur les syndicats qui remet gravement en cause le droit de grève. Outre les restrictions qu'il impose aux piquets de grève et aux actions de protestation, ce projet autorise le recours à des intérimaires pour remplacer du personnel permanent pendant les grèves. Dans les services publics, il faudrait que 50% des adhérents participent au scrutin et que 40% de la totalité votent la grève, ce qui revient à imposer un seuil de 80%.
En février, les syndicats britanniques ont touché des millions de personnes avec une campagne innovante, intitulée #heartunions, qui met en avant tous les acquis obtenus par les syndicats et leurs membres sur les lieux de travail et dans la société et rejette les tentatives du gouvernement pour les remettre en question.
En Espagne aussi, les syndicats ont dû agir parce les autorités ont ressorti une vielle loi de l'époque de la dictature franquiste pour poursuivre des grévistes. Le 16 février, un tribunal espagnol a acquitté 8 employés d'Airbus menacés de peines de prison de huit ans et trois mois chacun pour avoir participé à une grève pacifique en 2010.
Mais le combat pour l'abrogation de l'article 315.3 du code pénal espagnol continue, et aussi pour que des procès similaires ne se répètent pas.
Il faut rester vigilants parce que ces attaques contre le droit de grève pourraient s'étendre à d'autres pays.
La crise économique mondiale a déjà offert un prétexte à plusieurs gouvernements de droite pour limiter les droits des travailleurs et amputer la protection sociale. La Roumanie a connu la destruction de droits la plus massive lorsque, en 2011, le Fonds monétaire international (FMI) a poussé le gouvernement à court-circuiter le parlement pour généraliser le travail précaire, abolir la négociation collective et restreindre le droit de grève.
La négociation collective a également été bannie en Irlande, au Portugal, en Espagne, en Grèce et à Chypre pendant les pires années de la crise. Depuis, les gouvernements irlandais et espagnol ont accepté de rétablir les mécanismes de négociation.
Ces exemples montrent que les droits syndicaux ne vont pas de soi, même en Europe où est né le mouvement syndical. Les attaques contre les droits syndicaux ont une dimension incontestablement idéologique et sont le fait de gouvernements plus attentifs aux consultants qu'à leur population. Et trop souvent, ces conseillers d'affaires préfèrent une main-d’œuvre docile, silencieuse et qui dit ce qu'on lui dit de faire, plutôt que de s'empêtrer dans des négociations lourdes.
La garantie des droits syndicaux donnera toujours lieu à un affrontement sur les valeurs et la volonté politique de construire des sociétés fondées sur la démocratie et la justice sociale. Dans ce combat, il nous faut continuer à organiser et mobiliser les travailleurs pour construire des syndicats forts.
Jyrki Raina,
Secrétaire général