8 janvier, 2021Une augmentation de la violence sexiste pendant la crise de Covid-19 a conduit les syndicats de la région à se mobiliser à un niveau sans précédent pour revendiquer auprès des gouvernements qu’ils ratifient la Convention 190 de l’OIT.
La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA, pour l’abréviation anglaise que nous utilisons couramment) n’a pas été épargnée par la pandémie fantôme grandissante que constitue la violence accrue contre les femmes pendant la crise du coronavirus. Depuis le début de la pandémie, on constate une augmentation des appels aux lignes d’assistance téléphonique pour des cas de violence domestique. Plus de 40 dirigeantes et militantes syndicales, réunies en ligne en novembre pour le réseau d’IndustriALL des femmes de la MENA, ont dénoncé l’accroissement de la violence, exprimant des inquiétudes quant à la santé mentale de nombre de leurs adhérentes.
Les représentantes des syndicats de Tunisie et d’Irak ont déclaré que certaines femmes s’étaient suicidées après avoir perdu leur emploi ou s’être retrouvées avec des revenus inférieurs, tout en subissant des violences domestiques et en effectuant un travail supplémentaire non rémunéré à la maison, en s’occupant des enfants, les écoles étant fermées.
Les femmes d’IndustriALL de la MENA ont appelé leurs syndicats à intervenir d’urgence pour faire face à la situation. Depuis le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, les syndicats ont intensifié leur campagne contre la violence sexiste et en faveur de la ratification de la Convention C190 de l’OIT.
Au Maroc, des photos de travailleurs et travailleuses sur leur lieu de travail, de dirigeants de syndicats et de parlementaires tenant des pancartes appelant à la ratification de la convention C190 de l’OIT ont été diffusées sur les médias sociaux. L’Union Marocaine du travail (UMT) et la Confédération démocratique du travail (CDT), qui ont toutes deux élaboré des documents de sensibilisation à la C190 et à la violence sexiste, ont pris contact avec les parlementaires et ont envoyé des lettres au gouvernement pour faire pression en faveur de la ratification de la C190. Elles ont également élaboré des programmes de formation pour leurs membres sur les droits des femmes travailleuses et la C190 de l’OIT.
Une délégation représentant la Coalition 190 pour un monde du travail sans violence et sans harcèlement a déposé une demande de rencontre avec le Premier ministre. Thuraya Lahrech, parlementaire, leader de la CDT et coordinatrice nationale de la coalition, rapporte :
“La coalition a été formée en 2019 et se compose d’artistes, de jeunes, de femmes et de syndicats, dont l’UMT et la CDT. Nous avons organisé plusieurs activités avec le gouvernement, les institutions nationales et les organisations internationales sur la Convention. Nous avons élaboré un document d’information sur la Convention et nous lancerons bientôt un programme d’éducation destiné aux travailleurs et travailleuses.”
Amal el Amri, Secrétaire générale adjointe de l’UMT, parlementaire et présidente de l’Union progressiste des femmes du Maroc (UPFM-UMT), a déclaré :
“La violence au travail a des effets désastreux sur les femmes sur le plan psychologique, social et professionnel en raison de l’absence de protection juridique. La pandémie a révélé l’ampleur de la violence domestique dans nos sociétés, car son pourcentage a augmenté pendant la quarantaine. Avec l’adoption de la Convention 190, qui reconnaît les dangers et les effets de la violence domestique sur les femmes travailleuses et qui définit de nombreuses mesures de protection, nous ne resterons pas victimes d’une double violence. Mobilisons-nous pour exiger la ratification de cette convention.”
En Jordanie, le JTGCU a pris contact avec les travailleuses migrantes et a distribué des brochures et des affiches. En Irak, Hashmeya Al-Saadawi, Coprésidente de la région MENA d’IndustriALL, a conduit une délégation pour demander au gouvernement de ratifier le C190. Plus tôt dans l’année, l’UGTT de Tunisie a envoyé une équipe au parlement pour demander la ratification du C190.
Depuis la création du réseau IndustriALL des femmes de la MENA en 2015, les femmes dirigeantes ont mis la question de la violence sexiste à l’ordre du jour de leurs syndicats, avec des résultats significatifs en Irak, en Tunisie, en Jordanie et au Maroc. L’adoption de la C190 de l’OIT et les efforts constants des femmes pour faire avancer ce dossier ont permis de le rendre moins tabou. Les affiliés d’IndustriALL de la CDT et de l’UMT au Maroc et la plupart des affiliés irakiens d’IndustriALL se sont ralliés à l’engagement d’IndustriALL.