19 juin, 2014À la Conférence internationale du travail (CIT) de juin 2014, pendant les discussions de la Commission de l'application des normes de la Conférence, le groupe des employeurs a persisté dans son refus de reconnaître que le droit de grève figure dans la convention 87 de l'OIT, remettant ainsi en cause des décennies de pratique de l'application du droit international.
La Commission de l'application des normes de la Conférence, ou Commission de la Conférence, est un organe tripartite de la CIT composé des employeurs, des travailleurs et des gouvernements. Elle examine les mesures prises par les États membres pour donner effet aux conventions de l'OIT et adresse aux gouvernements des recommandations en vue d'améliorer l'application des conventions qu'ils ont ratifiées. Chaque année, le groupe des employeurs et celui des travailleurs négocient une liste de 25 pays dont les cas sont examinés par la CIT, afin d'aboutir à des conclusions par consensus sur les recommandations qu'elle formulera.
L'attaque contre le droit de grève a été déclenchée pendant la CIT de juin 2012, lorsque le porte-parole du groupe des employeurs a soudainement annoncé que ceux-ci refuseraient d'adopter une liste restreinte de cas dont l'un ou l'autre porterait sur le droit de grève. Par son intransigeance, cette déclaration a provoqué un blocage total de l'examen des cas par la Commission de la Conférence.
L'argument du groupe des employeurs est que, en l'absence de toute référence explicite au droit de grève dans le texte de la Convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, les règles d'interprétation internationalement acceptées imposent d'interpréter cette convention en faisant abstraction du droit de grève.
"L'argument du groupe des employeurs repose sur une conception profondément erronée de la liberté syndicale. Ils adoptent une position conservatrice selon laquelle la liberté syndicale est un droit autonome, individuel, complètement dissocié du contexte des relations professionnelles", explique Jeff Vogt, conseiller juridique à la Confédération syndicale internationale (CSI).
"Pourtant, le droit à la liberté syndicale est depuis longtemps entendu comme un droit collectif, en particulier dans le contexte des relations professionnelles, et à vrai dire comme un ensemble de droits, incluant celui de faire grève."
Hélas, après une concession faite à titre exceptionnel en 2013 par le groupe des travailleurs pour éviter de répéter l'échec de 2012, le groupe des employeurs a réclamé une nouvelle fois, cette année, une mention excluant le droit de grève des conclusions relatives à trois pays (Algérie, Cambodge, Swaziland) examinés au titre de la convention 87. Mais, cette fois, le groupe des travailleurs a rejeté à l'unanimité cette revendication qui compromet les travaux de la Commission.
Comme le groupe des travailleurs l'a expliqué en plénière, les conclusions de la Commission de la Conférence doivent fournir des directives claires aux gouvernements pour leur permettre d'ajuster et d'améliorer la mise en œuvre des conventions de l'OIT. Aujourd'hui, la contestation porte sur trois cas, mais demain ils pourraient être au nombre de quatre, cinq, voire six selon le nombre de cas examinés en rapport avec la convention 87. Aucun accord ne s'étant dégagé à la CIT de juin 2014, aucune conclusion n'a été adoptée pour l'ensemble des 19 cas à l'examen par la Commission de la Conférence.
Le souci majeur du groupe des travailleurs est que les employeurs contestent maintenant de plus en plus d'autres grandes conventions, comme la convention n° 98 sur le droit de négociation collective; ces désaccords insidieux et persistants sur l'interprétation des conventions fondamentales de l'OIT sapent et paralysent le travail et la crédibilité des commissions.
Le conflit sur la question du droit de grève a été soumis au Conseil d'administration de l'OIT qui pourrait demander à la Cour internationale de justice de rendre un avis et mettre un terme à ce différend. Une décision devrait être prise en novembre 2014.
Le groupe des travailleurs tient bon et les syndicats sont déterminés à défendre le droit de grève qui constitue un des principaux atouts des travailleurs du monde entier.