24 octobre, 2018Un récent rapport d’une mission d’enquête d’IndustriALL Global Union a révélé l’exploitation choquante des salariés en sous-traitance au sein des activités pétrolières et gazières de Shell au Nigeria.
Le rapport rend compte des salaires de misère, des abus par le biais de la sous-traitance, des violations de droits fondamentaux, des médiocres soins de santé, des risques en matière de santé et sécurité et des conditions de vie misérables des travailleurs et travailleuses de Shell au Nigeria.
“Nous travaillons comme des éléphants et mangeons comme des fourmis,” déclare un travailleur de la Station de réception et traitement Umuebulu de Shell à Etche, dans la banlieue de Port Harcourt. “Notre salaire chez Plantgeria (un sous-traitant) est d’environ 95.000 nairas (257 dollars). Au Nigeria, de nos jours, on ne peut rien faire avec ça. Vous ne pouvez pas payer les frais de scolarité de vos enfants. Vous ne pouvez pas manger correctement. Vous ne pouvez pas améliorer votre quotidien.”
Les salaires vont de US$137 à US$257 par mois, en travaillant douze heures par jours, six jours par semaine. Certains ont déclaré n’avoir pas été payés par les sous-traitants qui les emploient depuis plusieurs mois.
Les travailleurs et travailleuses déclarent que c’est Shell qui détermine ce que les sous-traitants leur paieront, mais leurs appels en direction de Shell en faveur de meilleurs salaires sont ignorés :
“Si vous réclamez une augmentation, vous serez escorté vers la sortie par la police. Et ensuite, s’en est fini de votre emploi. Vous n’aurez plus accès au chantier jusqu’à ce que vous signiez un papier qui dit que vous ne vous joindrez pas à un syndicat et ne réclamerez pas d’augmentation,” déclare un travailleur.
Shell est la plus grande compagnie pétrolière multinationale d’origine étrangère au Nigeria, avec des revenus estimés à 4 milliards de dollars dans ce qui était le plus gros pays producteur de pétrole d’Afrique en 2017.
Lors de l’AG en mai, le PDG de Shell Ben van Beurden a indiqué qu’il n’était pas financièrement viable de donner aux travailleurs en sous-traitance des contrats permanents, parce qu’ils ne sont pas requis tout le temps. Mais ceci est démenti par ce que les travailleurs ont rapporté à IndustriALL :
“On continue à nous répertorier comme des travailleurs ponctuels, mais nous avons presté de manière continue pendant parfois 20 ans tout en étant payés moins de 150 dollars par mois,” se lamente l’un d’entre eux.
De nombreux salariés en sous-traitance se sont plaints que leur couverture de soins de santé était inadéquate :
“Nous sommes exposés à tous les risques. Nous travaillons sur le terrain. Même avec notre assurance santé, ça ne va pas. Nous risquons notre vie pour la gagner. Si vous êtes malades et vous rendez au dispensaire, on ne vous traite pas correctement parce que les montants que notre employeur (sous-traitant) verse à l’assurance sont trop maigres.”
Port Harcourt et le Delta du Niger connaissent ces dernières années un niveau de violence croissant, les enlèvements et les vols à main armée n’étant pas rares. “Un de nos collègues, un chauffeur, a récemment été tué par balles sur le terrain. Au bout du compte, Shell n’a rien fait du tout. Le maximum qu’ils font est une minute de silence. Personne n’en a rien à faire de vous et de votre famille. Si quoi que ce soit vous arrivait aujourd’hui, on (Shell) ne vous connaît pas, c’est l’affaire du sous-traitant.”
Dans son code de conduite, Shell déclare : “Nous nous efforçons de travailler avec des contractants et des fournisseurs qui contribuent au développement durable et qui sont responsables sur le plan économique, environnemental et social.”
Le Secrétaire général d’IndustriALL, Valter Sanches, a indiqué :
“Il est grand temps que Shell se montre à la hauteur de son propre code de conduite et s’assure que les milliers de travailleurs et travailleuses qui peinent à la tâche sur ses chantiers au Nigeria soient traités humainement. Shell doit cesser d’être aveugle aux violations de droits de l’homme dont sont victimes les travailleurs en sous-traitance de ses activités au Nigeria. Nous exhortons l’entreprise à entamer le dialogue avec IndustriALL et ses affiliés du Nigeria afin de porter remède à la situation, qui au stade actuel ne relève pas d’une attitude responsable, ni durable.”
IndustriALL mène une campagne mondiale pour dire stop au travail précaire chez Shell, où les salariés en sous-traitance sont dans un rapport de plus de deux pour un permanent et effectuent les tâches les plus dangereuses. Les syndicats estiment que le ratio de Shell est même supérieur au niveau du Nigeria, mais l’entreprise ne dévoile pas les chiffres par pays.
Le mois dernier, Shell a annoncé avoir joint ses forces à celles d’autres entreprises du domaine de l’énergie pour créer une approche collaborative de l’évaluation des droits de l’homme au niveau des fournisseurs de l’industrie de l’énergie. Les entreprises participantes disent reconnaître l’importance de travailler avec des fournisseurs qui respectent les droits de l’homme, dont les conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail. Cependant, Shell a refusé l’offre d’IndustriALL de collaborer avec elle pour enquêter sur ces mêmes préoccupations.