30 juin, 2015Il y a eu des révélations choquantes sur la situation de nombreuses personnes ayant des contrats d’emploi temporaire dans l’État indien de Maharashtra, lors d’un atelier organisé ce mois-ci par IndustriALL Global Union dans la ville de Pune.
La réunion qui s’est tenue les 23 et 24 juin avec le soutien de l’organisation d’aide syndicale néerlandaise FNV Mondiaal, a permis d’écouter 35 syndicalistes affiliés à IndustriALL par l’intermédiaire de Shramik Ekta Mahasangh (SEM).
Les affiliés se battent pour syndiquer les travailleurs et travailleuses temporaires, et l’atelier a examiné des stratégies destinées à surmonter les nombreux obstacles auxquels ils sont confrontés.
Les participant(e)s ont révélé que leurs entreprises – tant nationales que multinationales – embauchent toujours moins de personnel permanent et utilisent davantage une main-d’œuvre précaire et non syndiquée.
On a entendu de nombreux récits sur des entreprises qui se séparent de leur personnel permanent pour embaucher de nouveaux travailleurs et travailleuses aux mêmes emplois, mais pour une fraction du salaire. Presque tous les travailleurs permanents réunis dans la salle avaient eu des collègues qui faisaient le même travail avec un salaire très inférieur (en gagnant, ce qui est incroyable, jusqu’à 80 pour cent de moins).
Un salaire qui permet de vivre est un rêve très éloigné pour la plupart de ces contractuels, même si beaucoup de ces personnes travaillent depuis des années au même poste. Soit leur contrat à court terme est continuellement renouvelé, soit elles passent par différentes agences pour éviter les pressions juridiques obligeant à transformer leur emploi avec un contrat permanent. Cette situation peut se poursuivre durant 20 à 25 ans en Inde – et même plus longtemps.
Les effets sur le personnel contractuel dans l’emploi précaire sont désastreux. Non seulement en raison des conditions d’emploi, mais aussi pour leur place sans la société indienne. Les bas salaires sont à l’origine d’une longue série de conséquences, la plus importante étant de pouvoir se marier. La première question posée par la belle famille est de savoir si le travailleur a un emploi permanent. Si ce n’est pas le cas, il n’y a pas de mariage.
Les contractuels sont souvent dans l’impossibilité d’envoyer leurs enfants à l’école après un certain âge – les filles étant généralement les premières victimes. Mais cela touche aussi les garçons, qui n’ont alors d’autre option que de devenir des travailleurs contractuels, peut-être dès l’âge de 14 ans.
Beaucoup de contractuels et d’intérimaires disent ne pas pouvoir prendre des vacances. Un contractuel a dit avoir été forcé – soudainement – de travailler 12 heures par jour, au lieu de huit et parfois dix heures. C’était le choix, l’acceptation ou pas de boulot.
Les contractuels n’ont pas les moyens d’acheter des médicaments. Ni pour eux ou leur famille. Il n’y a pas de protection de l’enfance et pas de crèche. Pas de congé de maternité. Aucune possibilité de prêt bancaire, non… la liste est sans fin.
Beaucoup de femmes cachent sciemment les bijoux qui indiqueraient qu’elles sont mariées, par peur de perdre leur emploi temporaire si elles étaient enceintes, ou par peur de ne jamais retrouver un emploi permanent.
SEM se défend en tentant de syndiquer ces travailleurs et travailleuses précaires. Malheureusement, cela amène une nouvelle série de problèmes. Non seulement des contractuels perdent souvent leur emploi dès leur adhésion syndicale, sans compter les pressions, le harcèlement et les représailles contre les syndicats de personnel permanent ou qui cherchent à syndiquer des travailleurs et travailleuses précaires.
Pour se sortir de cette situation, SEM a enregistré en septembre 2014 un syndicat séparé pour la main-d’œuvre employée dans tout l’État de Maharashtra, le syndicat des travailleurs contractuels du Maharashtra (MCWU). Son enregistrement a, jusqu’à présent, été rejeté pour des raisons techniques, sans doute à la suite de pressions du lobby des employeurs. La procédure a redémarré en mars 2015 et on espère maintenant que l’enregistrement aura lieu en août.
Le nouveau syndicat espère que les travailleurs et travailleuses précaires resteront membres du syndicat, même en changeant de nombreuses fois d’emploi.
SEM réalise actuellement avec le soutien de IndustriALL-FNV Mondiaal un projet sur l’emploi précaire en Asie du Sud, en assurant une localisation dans la région de Pune pour rassembler des informations sur la situation des contractuels dans différentes zones industrielles.
MCWU nommera des organisateurs/trices chargés de démarrer la syndicalisation et le recrutement de travailleurs et travailleuses précaires. Dès que possible, MCWU formera des comités locaux composés de dirigeant(e)s aux niveaux local et fédéral, chargés de négocier avec les directions locales au nom des personnels contractuels.
SEM espère syndiquer au moins 3.000 travailleurs et travailleuses précaires d’ici la fin de 2015 à Pune et dans ses environs, qui est la deuxième plus grande ville du Maharashtra. En cas de succès, le syndicat espère pouvoir entamer la syndicalisation dans d’autres parties de l’État dans les prochaines années – un effort particulièrement nécessaire.