24 octobre, 2016Le 13 octobre 2016, le Sénat mexicain a adopté à l’unanimité une initiative modifiant les articles 107 et 123 de la Constitution mexicaine, ouvrant la voie à des avancées majeures pour les travailleurs dans le pays.
Les réformes proposées supprimeraient ce qu’il est convenu d’appeler les commissions tripartites de conciliation et d’arbitrage (Juntas de Conciliación y Arbitraje) et transféreraient leurs fonctions juridiques au pouvoir judiciaire. Ainsi, la justice du travail ne relèverait plus directement du Président de la République, de gouverneurs complices et de syndicats dominés par les employeurs (syndicats charros).
La demande de dissolution des commissions de conciliation et d’arbitrage et d’établissement de tribunaux du travail indépendants constitue une revendication centrale des syndicats démocratiques mexicains et du mouvement syndical international depuis des décennies. Elle est également inscrite dans la plainte no. 2694 portée devant le Comité de la liberté syndicale de l’Organisation internationale du travail (OIT) par IndustriALL et la Confédération syndicale internationale (CSI).
En outre, les exigences de la réforme pour un vote libre, nominatif et à bulletin secret en ce qui concerne les négociations collectives et la représentation majoritaire s’attaquent au problème généralisé des contrats de protection imposés par les employeurs, qui sont négociés sans la participation voire la connaissance des travailleurs.
Après des débats très animés, la réforme du Sénat modifie également les termes de l’article 123, partie A, alinéa XVIII relatif à l’autorisation de faire grève, lequel se lit maintenant comme suit : « lorsqu’une négociation collective est recherchée, la représentation des travailleurs doit être démontrée ». En droit mexicain, la revendication de faire grève est la condition juridique sine qua non au déroulement de toutes négociations collectives. La nouvelle rédaction de l’article a été vivement contestée par les partis de droite et la chambre des employeurs. Les réformes proposées pourraient encore se heurter à l’opposition des milieux d’affaires et des syndicats dominés par les employeurs. Les prochaines étapes prévues sont les suivantes :
- Les réformes constitutionnelles doivent encore être adoptées par un vote à la majorité des deux-tiers de la Chambre des députés et ratifiées par la majorité des Etats, ce qui devrait avoir lieu entre décembre 2016 et février 2017.
- Les amendements au droit du travail fédéral nécessaires à la mise en œuvre des réformes de la Constitution et à la poursuite des efforts de résolution du problème des contrats de protection, ainsi que les procédures relatives aux élections des représentations syndicales ont été soumis par le Président en avril et doivent être adoptés séparément.
- Le Sénat n’a toujours pas voté la Convention no.98 de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective, qui a été transmise, accompagnée d’une demande de ratification, par le Président l’année dernière.
La mise en œuvre efficace et en temps opportun des réformes est toujours une source de préoccupation. Comme l’a exprimé clairement Napoleón Gómez Urrutia, dirigeant de l’affilié à IndustriALL Los Mineros, à la Conférence de l’OIT, en juin 2016, les amendements positifs de cette nouvelle réforme ne doivent pas empêcher le Gouvernement mexicain de régler immédiatement toutes les affaires en instance concernant le droit des travailleurs mexicains de choisir leurs syndicats et le leadership sur leurs lieux de travail. IndustriALL a communiqué une liste actualisée de ces affaires à la Commission d’experts de l’OIT le mois dernier.
« L’adoption de cette réforme du droit du travail pourrait marquer une étape historique en ce qu’elle répond pour l’essentiel aux demandes des syndicats démocratiques au Mexique, tels que Los Mineros, et du mouvement syndical international. Ce qui compte vraiment est de l’expérimenter et d’appliquer la transparence dans l’exercice quotidien de l’activité professionnelle dans le pays », a récemment indiqué Napoleón Gómez Urrutia dans le quotidien La Jornada.
Le Secrétaire général d’IndustriALL Global Union, Valter Sanches, a déclaré : « IndustriALL et ses affiliés mexicains se félicitent de ce premier pas important du Sénat mexicain, qui peut déboucher sur la suppression totale des contrats de protection dans le pays. IndustriALL, le mouvement syndical international et les syndicats démocratiques au Mexique continueront de suivre avec attention les débats et les développements sur cette question, et de faire pression sur l’OIT pour qu’elle fournisse l’assistance technique au gouvernement mexicain afin de veiller à ce que ces réformes permettent réellement à tous les travailleurs mexicains de bénéficier du droit à la liberté syndicale et à la négociation collective ».