6 août, 2020Le gouvernement zimbabwéen a utilisé la Covid-19 comme prétexte pour interdire les manifestations. Des personnes qui ont répondu à l’appel du 31 juillet pour manifester contre la corruption, les violations des droits de l’homme, l’appropriation des institutions de l’État et en faveur des droits des travailleurs ainsi que du salaire minimum vital ont été enlevées, arrêtées, agressées, torturées ou forcées à se cacher. La condamnation internationale a été large.
Parmi les personnes arrêtées figure l’auteure primée Tsitsi Dangarembga, dont le roman “Le corps en deuil” figure sur la liste étendue du prix Booker 2020. Elle est en liberté sous caution alors que d’autres restent en prison. Certains syndicalistes sont entrés dans la clandestinité pour éviter l’arrestation.
Selon le Forum des ONG des droits de l’homme du Zimbabwe, plus de 40 personnes ont été arrêtées depuis le 20 juillet, parmi lesquelles des militants, des journalistes d’investigation qui ont fait des reportages sur la corruption entourant les fonds Covid-19 et des politiciens de l’opposition.
En début de semaine, une campagne sur Twitter, #ZimbabweanLivesMatter, qui condamne les violations des droits de l’homme, a suscité la solidarité régionale et internationale, avec plus de 700.000 messages. En réponse à cette campagne populaire, le Président Emmerson Mnangagwa a déclaré le 4 août que la crise économique était causée par “des éléments politiques d’opposition, des sanctions économiques illégales, des cyclones, des sécheresses et plus récemment la pandémie de Covid19”. Il a également imputé la crise à des “brebis galeuses” qui, selon lui, “feront l’objet de purges”.
La répression aggrave la situation désastreuse des travailleurs et travailleuses du Zimbabwe. Avec un salaire bien inférieur au minimum vital, impossible de se permettre de payer les denrées de base. Le temps de travail a été réduit en raison des restrictions imposées par la Covid-19, ce qui a entraîné une baisse des salaires encore plus importante. Dans certains secteurs, les travailleurs et travailleuses ne gagnent que l’équivalent de 40 à 75 dollars américains par mois et affirment qu’il leur en faut au moins 200 pour pouvoir acheter de la nourriture.
À l’issue des postes de travail, il n’y a pas de transport public et certains marchent plus de 25 km pour rentrer chez eux. Ils doivent parcourir cette distance à pied ou risquer d’être arrêtés en vertu d’un couvre-feu Covid-19. Le gouvernement a interdit les opérateurs de transport privés au profit d’une société de bus publique peu fiable.
IndustriALL Global Union compte 10 affiliés au Zimbabwe, qui organisent les travailleurs et travailleuses dans les secteurs de la chimie, des plastiques, de l’énergie, du métal et de l’ingénierie, des mines, du textile, de la confection, du cuir et de la chaussure, entre autres.
Avec une hyperinflation d’environ 737 %, l’économie est en crise, les pénuries de carburant et d’argent liquide étant courantes. Cependant, les syndicats ne relâchent pas leurs efforts. Pour protéger les travailleurs et les travailleuses contre la dureté de l’environnement économique, ils se préparent à une grève générale en faveur d’un salaire minimum vital.
Manifester contre les conditions de vie difficiles est considéré par le gouvernement comme une tentative de “renversement du régime” et se heurte aux menaces et à la répression des forces de sécurité. Par exemple, le parti au pouvoir, ZANU PF, a déclaré la semaine dernière que le Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU) était une “organisation terroriste”, ce qui a été condamné par les syndicats zimbabwéens, les fédérations sud-africaines et les organisations syndicales régionales et internationales. Le Président du ZCTU, Peter Mutasa, se cache après que son nom est apparu sur une liste de la police pour des “interrogatoires” en rapport avec les manifestations.
Paule-France Ndessomin, Secrétaire régionale d’IndustriALL pour l’Afrique sub-saharienne, a déclaré :
“La constitution du Zimbabwe de 2013 reconnaît les droits et libertés fondamentaux de l’homme ainsi que les droits relatifs au travail. Cela signifie que le gouvernement a la responsabilité de veiller à ce que ces droits soient protégés et non violés par les forces de sécurité de l’État. La pandémie de Covid-19 ne doit pas servir d’excuse pour violer les droits des travailleurs et les droits de l’homme.”
Mavis Koogotsitse, Secrétaire exécutive du Conseil de coordination des syndicats d’Afrique australe, a condamné “la poursuite du traitement hostile et de l’intimidation des syndicalistes et des militants de la société civile par des agents de la sécurité de l’État au Zimbabwe.”
Illustration :photo d’archive de violences policières à Harare en octobre 2019. Auteur : Lovejoy Mtongwiza