27 février, 2024La convention de Hong Kong constitue une avancée extrêmement importante pour les droits humains des travailleurs et la gestion de l’environnement. Toutefois, elle ne suffit pas à transformer le secteur, ce qui nécessitera une attention et un militantisme soutenus de la part des syndicats.
La politique de sécurité
Le plan de l’installation de recyclage des navires exige un programme complet de formation à la santé et sécurité pour tous les travailleurs, ainsi que la création d’un poste de responsable de la sécurité et la mise en place d’un suivi médical. Cependant, des années d’expérience amère dans d’autres secteurs ont appris aux syndicats qu’un programme de sécurité contrôlé par l’employeur, même s’il est bien intentionné, n’est pas suffisant. Les chantiers navals sont soumis à des pressions commerciales, ce qui signifie qu’il y a conflit d’intérêts si l’on laisse les employeurs aux commandes. Un comité mixte de santé et sécurité est la meilleure solution.
Les questions à poser sont les suivantes :
1. Qui prend les décisions en matière de sécurité ?
2. À qui fait-on confiance en matière de sécurité ?
3. Qui a le pouvoir ?
Les travailleurs peuvent être confrontés à des instructions contradictoires : procédures de sécurité de la part du responsable de la sécurité et ordres d’exécution rapide d’un travail de la part d’un contremaître. Cette situation est source de confusion et peut entraîner des accidents. Les travailleurs sont également beaucoup plus enclins à faire confiance et à suivre les instructions de sécurité émanant d’un représentant syndical plutôt que d’un employeur.
Trois droits fondamentaux en matière de sécurité doivent être garantis sur le lieu de travail :
- Le droit d’être informé sur les questions de santé et sécurité.
- Le droit de participer aux décisions qui affectent la santé et la sécurité.
- Le droit de refuser une tâche dangereuse, ce qui est inscrit dans la Convention 155 de l’OIT.
L’insuffisance du droit
L’Inde, le Pakistan et le Bangladesh risquent de ne pas appliquer pleinement les nouvelles lois sur le recyclage des navires. Il y a des raisons de s’inquiéter dans ce domaine :
Dix conventions fondamentales de l’OIT couvrent le monde du travail. Trois d’entre elles sont particulièrement importantes pour le démantèlement des navires.
- C87, Convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical
- C98, Convention sur le droit d’organisation et de négociation collective
- C155, Convention sur la sécurité et la santé des travailleurs
L’Inde n’a ratifié aucune de ces trois conventions. Le Pakistan et le Bangladesh ont ratifié les conventions C87 et C98, mais pas la C155. Toutefois, même lorsque ces pays ont ratifié les conventions et les ont transposées dans le droit du travail national, ils n’ont souvent pas réussi à les faire respecter, soit par manque de capacité d’application, soit par manque de volonté de s’opposer aux employeurs puissants.
L’OIT dispose d’un processus au cours de la Conférence internationale du travail qui examine les cas de non-respect des conventions, appelé Commission de l’application des normes (CAS). IndustriALL, UNI et la CSI ont saisi la CAS contre le Bangladesh en 2017 pour des violations de la liberté syndicale, notamment l’arrestation et la détention arbitraires de dirigeants et de militants syndicaux, des menaces de mort et des violences physiques en détention, de fausses accusations criminelles, la surveillance, l’intimidation et l’ingérence au niveau d’activités syndicales, ainsi que des licenciements massifs de travailleurs par des usines de confection à la suite d’une manifestation pacifique.
Bien que l’affaire porte sur l’industrie de la confection, elle donne un aperçu inquiétant de l’attitude du gouvernement bangladais à l’égard des syndicats. En outre, en 2019, plusieurs organisations de travailleurs ont déposé une plainte au titre de l’article 26 pour non-respect des Conventions 81, 87 et 98.
À la suite de cette plainte, l’OIT a publié en juillet 2021 une feuille de route décrivant en détail les mesures que le gouvernement doit prendre pour améliorer la situation. Trois de ces mesures seront particulièrement importantes pour les travailleurs du secteur du démantèlement des navires :
- Simplification de l’enregistrement des syndicats. Par le passé, l’enregistrement d’un syndicat au Bangladesh s’est avéré très compliqué et les travailleurs du secteur du démantèlement de navires n’ont pas été en mesure d’enregistrer des syndicats sectoriels et ont dû créer à la place de nombreux syndicats basés dans les chantiers.
- Améliorer l’inspection du travail et son application. Actuellement, si un employeur enfreint la loi, le travailleur n’a que très peu de possibilités de recours.
- Lutter contre la discrimination antisyndicale et la violence à l’encontre des travailleurs. Pour ce faire, une formation sera dispensée aux employeurs, à la police et aux agents de sécurité.
Le Pakistan est un autre pays où l’application de la législation pose problème, en raison de la nature fédérale de l’État, où les décisions sont dévolues aux provinces, et de la faiblesse de l’inspection du travail. Après le meurtre de deux travailleurs sur les chantiers navals de Gadani en janvier 2024, notre affilié, le NTUF, a soutenu que les propriétaires des chantiers, le gouvernement et la police s’étaient entendus pour dissimuler les faits.
Le problème de l’amiante
La CHK exige un plan d’élimination approprié pour l’amiante et certains chantiers navals ont commencé à construire des installations de haute qualité pour le traitement de ce matériau dangereux. Toutefois, l’Inde, le Bangladesh et le Pakistan n’ont pas interdit l’amiante et ont contribué à bloquer l’inclusion de l’amiante chrysotile dans la liste des substances interdites de la Convention de Rotterdam. L’amiante a encore une valeur commerciale dans ces pays, où il est utilisé dans les matériaux de construction.
Mécanisation et pertes d’emplois
Les travailleurs s’inquiètent du fait qu’à mesure que les chantiers se modernisent pour répondre aux exigences de la CHK, les propriétaires de chantiers introduisent la mécanisation et fassent diminuer le besoin de main-d’œuvre. Les emplois perdus dans les chantiers de démantèlement de navires pourraient être compensés par des emplois créés ailleurs si les entreprises et les gouvernements nationaux investissent dans le développement de l’énergie en aval, par exemple dans des usines qui créent de l’acier vert et dans des centres de recyclage.
Travailleurs en aval
Une autre préoccupation est que la CHK ne prévoit aucune disposition pour les travailleurs en aval, tels que ceux qui traitent la ferraille à l’extérieur des portes du chantier, ou les femmes qui traitent les déchets des navires.