22 mars, 2018Des milliers de travailleurs et travailleuses licenciés pour avoir fait grève chez Freeport en Indonésie continuent à en souffrir, même à l’issue d’un accord conclu avec l’entreprise.
La direction nationale de l’affilié d’IndustriALL, le CEMWU, a conclu cet accord le 21 décembre 2017 avec la filiale indonésienne de l’entreprise, PT Freeport. Quelque 4.220 travailleurs et travailleuses avaient été licenciés à la mine PT Freeport Grasberg en représailles à une grève lancée par le CEMWU en mai 2017. L’accord prévoit pour eux des compensations financières, dont un montant basé sur la durée de service, et stipule qu’ils peuvent postuler pour un emploi auprès de sous-traitants de Grasberg.
L’accord entérine l’argument principal de Freeport en vertu duquel les travailleurs et travailleuses sont réputés avoir démissionné en ne se présentant pas au travail et que dès lors l’entreprise n’est pas tenue de les réintégrer.
Cet accord contredit la position selon laquelle les 4.220 travailleurs et travailleuses ont été mis à pied pour fait de grève et doivent être réintégrés, ce qui constituait le fondement de la campagne mondiale d’IndustriALL.
Cette campagne d’IndustriALL en faveur de la réintégration des salariés licenciés a comporté de nombreuses lettres de protestation adressées à Freeport et au gouvernement indonésien, une mission d’enquête de haut rang en Indonésie, un programme de sensibilisation des investisseurs de Freeport, des demandes d’intervention de l’OIT et du Rapporteur spécial de l’ONU, une rencontre avec la Commission nationale des Droits de l’Homme d’Indonésie, la production d’un court métrage mettant en relief la souffrance des travailleurs et travailleuses licenciés, une pression mise sur Rio Tinto pour utiliser sa qualité d’actionnaire de Grasberg pour soutenir les grévistes mis à pied et des pétitions en ligne.
La direction nationale du CEMWU rapporte qu’elle a conclu l’accord après en être venue à la conclusion qu’elle ne parviendrait pas à convaincre l’entreprise de réintégrer les grévistes, ni de convaincre le gouvernement d’intervenir en leur faveur. Elle indique que l’accord prévoit des interventions financières pour les grévistes licenciés, nombre d’entre eux étant aux abois après huit mois de grève sans revenu, et offre une certaine perspective aux travailleurs et travailleuses de pouvoir aller de l’avant plutôt que de continuer à attendre leur réintégration.
On rapportait en février 2018 que seize grévistes seraient décédés faute de n’avoir pas eu accès à une assistance médicale, PT Freeport leur ayant retiré leur assurance santé en représailles à la grève.
L’accord donne aux travailleurs et travailleuses le droit de l’accepter ou non et, dans ce cas, de se réserver le droit d’aller individuellement en justice contre l’entreprise. Début mars, seuls 300 grévistes mis à pied avaient choisi d’accepter l’accord, selon la direction nationale du CEMWU. Le nombre de travailleurs et travailleuses qui va se pourvoir en justice contre l’entreprise n’est pas encore clairement établi.
Le cabinet d’avocats indonésien spécialisé dans les droits de l’homme, Lokataru, rejette l’accord avec PT Freeport et continue à défendre la cause des grévistes mis à pied. Dans un rapport sur la grève daté de février, Lokataru met en cause Freeport pour avoir enfreint la loi au cours de la grève et critique le gouvernement indonésien pour avoir failli à protéger les droits des travailleurs et travailleuses licenciés.
Lokataru appelle au respect des droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses licenciés, à la réactivation de leur assurance santé et à la tenue d’une enquête pour pratiques illicites de la part des banques, des services de santé et de la police à l’égard des travailleurs et travailleuses.
Dans un récent courrier adressé au Président de l’Indonésie, le Secrétaire général d’IndustriALL, Valter Sanches, déclarait :
“Freeport incarne ce qui se fait absolument de pire au niveau mondial dans le secteur des mines et des métaux. L’entreprise a provoqué une grève en refusant de négocier avec le CEMWU et ensuite conduit certains grévistes à la mort en leur ayant retiré leur assurance santé. Le Gouvernement d’Indonésie doit défendre les droits fondamentaux des travailleurs et travailleurs indonésiens contre ce type d’abus. Nous vous exhortons à vous assurer que la couverture santé des grévistes mis à pied soit immédiatement rétablie, que Freeport soit tenu responsable de ses actes illégaux et immoraux et que les grévistes n’en fassent plus les frais.”