1 octobre, 2020Protéger les salaires, pas les frontières : les syndicats ont atteint une double cible en gagnant à Genève et en Suisse ce week-end. Une campagne syndicale a encouragé les 500.000 habitants de la région de Genève à voter contre la pauvreté croissante dans l’une des villes les plus chères du monde, en introduisant un salaire minimum vital de 23 francs suisses (25 dollars américains) de l’heure.
Au niveau national, les syndicats suisses et leurs alliés politiques ont convaincu les électeurs de résister aux tentatives de la droite de diviser les travailleurs sur des questions de frontières.
Lors d’une votation tenue le 27 septembre, plus de 58 % des électeurs genevois ont dit “OUI” à l’initiative “23 frs, c’est un minimum.” Dans le même temps, 69 % au niveau national ont dit “NON” à l’initiative de droite visant à limiter l’entrée des travailleurs des États membres de l’Union européenne, une tentative de faire porter à la main-d’œuvre étrangère la responsabilité de la détérioration des conditions.
Grâce au système de démocratie directe, la population suisse peut demander un référendum pour modifier ou introduire une loi. Les syndicats suisses et les partis de gauche ont utilisé ce mécanisme pour lancer une initiative sur le salaire minimum vital dans le canton de Genève.
La Communauté genevoise d’action syndicale, qui comprend les affiliés d’IndustriALL, UNIA et SYNA, indique dans sa déclaration qu’avec son vote “Genève vient de donner un signal très clair aux employeurs et à tous ceux qui tentent d’opposer les travailleurs les uns aux autres : contre la précarité et les abus des employeurs, ce sont les salaires qui doivent être protégés et non les frontières”.
Selon Travailler en Suisse, qui fournit des statistiques sur les conditions de travail dans le pays, le salaire mensuel brut suisse dans tous les secteurs en 2016 était en moyenne de 6,502 francs (7.083 dollars). Dans les postes les plus qualifiés, le salaire mensuel brut moyen variait de 4.825 francs (5.256 dollars) dans la restauration, à 12.302 francs (13.400 dollars) dans le secteur bancaire et financier.
La plupart des travailleurs recevaient déjà au moins 4.313 francs suisses (4.698 dollars) par mois, souvent par le biais de conventions collectives syndicales existantes. Cependant, en l’absence de conventions collectives, les 10 % de salariés les moins bien payés sont passés à travers les mailles du filet et n’ont pas reçu ce minimum pour un travail à plein temps.
La pandémie de Covid-19 a mis en lumière leur situation précaire. La population suisse, habituée à un niveau de vie décent, a été choquée par la précarité des travailleurs pauvres qui faisaient la queue pour obtenir des colis dans des centres de distribution de nourriture spécialement organisés alors que les restrictions liées à la Covid-19 étaient en vigueur.
Cette campagne lancée par les syndicats et leurs alliés progressistes a permis de sensibiliser davantage le public et, contrairement à 2011 et 2014, de remporter finalement la campagne pour le salaire minimum vital. Contrairement à d’autres pays, où le salaire minimum est souvent insuffisant pour vivre, le salaire minimum de Genève est un salaire vital et le plus élevé au monde.
L’initiative visant à établir un salaire minimum légal à Genève est une victoire historique, dont 30.000 salariés bénéficieront directement, parmi lesquels deux tiers de femmes. Genève est le troisième canton de Suisse à introduire un salaire minimum après Neuchâtel et le Jura. Le Tessin suivra bientôt.
Photo : Thierry Porchet, L’Événement syndical