24 avril, 2018IndustriALL Global Union encourage ses syndicats affiliés partout dans le monde à élaborer des politiques industrielles durables. Mais ceci peut constituer un défi, en particulier pour ceux d’Amérique latine et des Caraïbes, une région en développement où les politiques néolibérales sont une fois de plus à l’agenda et menacent les droits des travailleurs.
Région: Latin America and the Caribbean
Texte: Kimber Meyer
Atteindre la durabilité implique d’œuvrer pour un présent et un futur où les besoins sociaux et économiques sont satisfaits sans mettre l’environnement en danger.
À cette fin, IndustriALL s’est attelée depuis 2013 à élaborer une politique industrielle durable. L’objectif est de rechercher des solutions à des situations qui affectent tout un chacun, en particulier le changement climatique ainsi que la crise environnementale, économique et sociale.
En 2015, 195 pays ont signé l’Accord de Paris afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et limiter le changement climatique au niveau mondial. Tous les secteurs d’IndustriALL ont des impacts significatifs sur l’environnement, mais les réglementations les concernant à cet égard sont vagues.
En s’impliquant activement, les syndicats peuvent empêcher que des décisions sur l’avenir des secteurs, des emplois et de la planète restent exclusivement aux mains des gouvernements, des entreprises multinationales et des forces du marché.
Au contraire, ils peuvent s’assurer que la voix des travailleurs et travailleuses de l’industrie soit entendue au moment d’élaborer une politique industrielle qui permette une Transition juste vers un avenir durable, c’est-à-dire en recherchant des mesures qui sauvegardent les emplois existants, en créent de nouveaux et assurent des postes de travail décents et durables.
“Il faut se rappeler que la Transition juste n’est pas une fin en soi, c’est une voie vers un avenir socialement, économiquement et environnementalement durable,” indique le directeur d’IndustriALL pour la santé, la sécurité et la durabilité, Brian Kohler.
Néolibéralisme contre Transition juste en Amérique latine et aux Caraïbes
Actuellement, de nombreux pays de la région comptent des gouvernements néolibéraux qui placent les intérêts du monde des affaires au-dessus des droits sociaux et environnementaux et font ainsi obstacle à une Transition juste vers la durabilité.
En Argentine, le gouvernement de Mauricio Macri met en œuvre une politique économique “d’ajustement” qui a conduit à une avalanche de licenciements. Macri promeut la privatisation des entreprises étatiques et la flexibilisation de l’emploi dans le but de faire de l’Argentine un pays de cocagne pour les investisseurs.
La même chose se passe au Brésil, où le gouvernement de Michel Temer, après un coup d’État parlementaire, poursuit un agenda favorable au monde des affaires et aux marchés financiers, tout en soutenant des réformes qui s’en prennent aux droits des travailleurs. Temer a par exemple essayé sans succès de faire passer un décret qui aurait permis aux compagnies minières d’exploiter une immense réserve en Amazonie.
Inutile de le dire, ces exemples ne mèneront pas à une durabilité sociale, économique ou environnementale. Au contraire, ils vont mener à davantage de catastrophes environnementales et de détresse sociale. Les travailleurs et travailleuses, leurs familles et les communautés qui en dépendent, seront forcées d’en payer le prix.
En plus des exemples qui précèdent et qui n’augurent rien de bon pour l’avenir, il y a les accords de libre échange (ALE). Les négociations se poursuivent en vue de la signature d’un ALE entre le Marché commun du Sud (Mercosur) et l’Union Européenne (UE), un accord auquel s’opposent les syndicats du Mercosur.
“Le but de tels accords commerciaux et de consacrer les intérêts du monde des affaires et de le déréguler, en particulier s’agissant de la finance, pour les placer au-dessus des lois nationales et au-dessus de tout autre intérêt humain ou environnemental. Que cela soit bien compris : il n’y a rien au sein des marchés financiers qui puisse mener à un avenir durable,” ajoute Brian Kohler.
Les syndicats du Mercosur soutiennent que se qui se profile n’est pas un accord d’association authentique, équitable et équilibré, mais plutôt un ALE préjudiciable aux industries nationales et, de fait, à la durabilité à long terme des pays les moins développés.
De plus, selon les syndicats, l’ALE favoriserait le chômage au sein des pays du Mercosur, puisqu’en abaissant les droits de douanes sur les produits fabriqués en Europe, les entreprises latino-américaines seraient incapables de soutenir la concurrence et tomberaient en faillite.
En parallèle, des négociations sont en cours pour le renouvellement de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) entre le Mexique, le Canada et les États-Unis.
Les syndicats des trois pays s’accordent à dire que depuis son instauration en 1994, l’Accord a fait du tort aux droits des travailleurs, en particulier au Mexique. Il a également porté préjudice à l’environnement et mis les protections sociales sous pression. Les syndicats des trois pays font pression sur le gouvernement mexicain pour qu’il améliore ses normes du travail et ses salaires afin d’éviter une concurrence déloyale avec les travailleurs et travailleuses du Canada et des États-Unis.
Réplique des syndicats : alternatives et luttes
Confrontés à cette situation, les syndicats ont consacré leurs efforts à proposer des alternatives et continuent à contre-attaquer.
Ensemble avec le Centre de coordination des confédérations syndicales du cône sud, la Confédération syndicale internationale, UNI Americas et d’autres organisations à vocation sociale, les affiliés d’IndustriALL ont participé à des mobilisations contre l’Organisation mondiale du commerce qu’ils considèrent être uniquement intéressée à débattre d’un ordre du jour qui défend les intérêts des grandes entreprises multinationales.
Les syndicats d’Amérique latine affiliés à IndustriALL ont également tenu un débat sur la démocratie et les droits du travail fondamentaux de par le monde le 12 décembre 2017 à Buenos Aires, en Argentine, où ils se sont attelés à œuvrer sur des alternatives politiques, sociales, économiques, féministes et environnementales qui donnent la priorité aux droits humains et à l’harmonie avec l’environnement.
Les syndicats affiliés à IndustriALL en Argentine, au Brésil et en Uruguay ont également participé à la Journée 2017 de Mobilisation pour la démocratie et contre le néolibéralisme, le 16 novembre, en Uruguay, à l’initiative de la Confédération syndicale des travailleurs et travailleuses des Amériques (CSA).
Dans le cadre de ces activités, IndustriALL a organisé un séminaire pour la défense d’une industrie nationale et régionale durable, dans le but de démontrer que tous les pays de la région continuent à souffrir de pertes d’emploi, d’une baisse de la production industrielle et de violations des droits des travailleurs et que le temps est venu de chercher une solution.
Ensemble, les syndicats ont réaffirmé leur engagement à s’opposer aux politiques d’emploi précaire et socialement nuisibles de ceux qui prétendent les asservir. Ils ont décidé de continuer à collaborer avec IndustriALL en vue d’élaborer des politiques industrielles durables, notamment des mesures pour préserver et créer des emplois sûrs, bien rémunérés, pour assurer un emploi durable et pour avoir voix au chapitre dans les décisions prises au sein de leurs secteurs respectifs.
“Nous devons agir ensemble et nous opposer aux politiques qui encouragent le travail précaire. Nous devons approfondir nos expériences et nos débats entre syndicats pour pouvoir réfléchir ensemble, fusionner et construire des syndicats forts ayant la capacité de générer des propositions et de négocier sur le développement durable,” a déclaré le Secrétaire régional d’IndustriALL pour l’Amérique latine et les Caraïbes, Marino Vani.
Montrer la voie vers un avenir durable : la Transition juste
- L’affilié d’IndustriALL, Industrial Chile, participe depuis 2016 au Mouvement pour le Lithium, une initiative de syndicats et d’organisations à vocation sociale pour proposer une Politique nationale du lithium. Le but est que l’État exploite le lithium et crée une nouvelle industrie qui soit durable du point de vue environnemental et de mettre en marche un processus d’industrialisation qui n’existe pas au stade actuel dans le pays. Il souligne que la demande de lithium va continuer à croître dans le secteur de l’énergie renouvelable et que ce minerai non-métallique peut être utilisé dans le cadre de la fabrication de batteries au carbonate de lithium destinées aux véhicules électriques et aux appareils électroniques.
- En 2017, au Brésil, les syndicats de la CUT (qui sont aussi affiliés à IndustriALL) ont mis sur pied l’Institut du Travail, de l’Industrie et du Développement (LID), un organisme qui œuvre à promouvoir le développement au Brésil. Ils cherchent à établir des politiques publiques durables qui promeuvent l’industrie en tant que moteur principal du développement social. Leur but est de promouvoir les intérêts des travailleurs et travailleuses au sein des forums de décision, de défendre l’industrie nationale et de préserver l’emploi.
- La Confédération syndicale des travailleurs et travailleuses des Amériques (CSA) met en avant depuis 2014 la Plateforme de développement pour les Amériques, une initiative du mouvement syndical en faveur de la croissance durable sur le continent dans les domaines politiques, sociaux, économiques et environnementaux, en tant qu’alternative aux politiques néo-libérales. La plateforme est soutenue par le Bureau des Activités pour les Travailleurs de l’OIT (ACTRAV), le Projet syndical de la FES et IndustriALL Global Union.