24 janvier, 2013Dans une protestation historique contre les violences sexuelles dont sont victimes les femmes, des centaines de milliers de femmes et d’hommes en colère se sont rassemblés spontanément dans les rues en Inde, après la brutalité du viol collectif qui a eu lieu le 16 décembre à Delhi et le meurtre d’une étudiante âgée de 23 ans.
La brutalité du viol collectif d’une jeune étudiante en médecine dans un bus en circulation à Delhi le 16 décembre 2012 et son décès des suites de ce viol le 28 décembre ont déclenché une indignation générale en Inde. Dans la période très courte de vie qui lui restait après cette horrible attaque, elle a pu dire au monde la souffrance qu’elle a endurée. Dans un mouvement sans précédent de colère, d’énormes manifestations spontanées ont eu lieu dans tout le pays. Les femmes et les hommes qui défilaient dans les rues demandaient aux autorités d’appliquer rapidement la loi pour punir les coupables de ce crime atroce, et exigeaient un meilleur maintien de l’ordre et des peines plus lourdes pour les violeurs.
Le crime a mis en évidence l’attitude laxiste de la classe politique indienne, des services du maintien de l’ordre et du système judiciaire quand il s’agit de crimes sexuels contre les femmes, et du mal profondément enraciné dans la société patriarcale du pays. Selon l’Office national des statistiques criminelles en Inde (National Crime Records Bureau – NCRB) de 2009 à 2011, environ 25.392 femmes ont perdu la vie à la suite de harcèlements concernant la dot et 282.722 femmes ont été les victimes de cruauté de la part de leur mari ou de membres de la famille. En Inde, 95.065 procès sont actuellement en instance dans des affaires de viol. En raison de lacunes du système de police judiciaire, près de 75 pour cent des personnes accusées de viol ne sont pas reconnues coupables.
La colère manifestée par les jeunes dans les rues de Delhi, qui est le signe d’une proportion alarmante de crimes sexuels, a amené l’attention immédiate du gouvernement pour modifier la manière de s’attaquer à la violence contre les femmes. En réponse aux protestations, le gouvernement indien a créé une commission de trois membres composée de juristes ayant à sa tête l’ancien chef de la justice en Inde, J.S. Verma, pour proposer des amendements au droit pénal afin de punir sévèrement les attaques sexuelles. Les accusés dans cette affaire, dont un mineur d’âge, sont maintenant en attente de jugement dans une procédure accélérée.
Les harcèlements sexuels sur le lieu de travail constituent également une question importante qui exige une attention immédiate du fait que les femmes intègrent maintenant en grand nombre la main-d’œuvre. Après un long retard, le gouvernement indien a adopté le 3 septembre 2012 le projet de loi sur le harcèlement des femmes sur le lieu de travail (Prévention, interdiction et réparation) présenté en 2010 au Lok Sabha. Il doit toutefois encore être adopté par le Rajya Sabha (Chambre Haute).
Le projet de loi est destiné à assurer la protection des femmes contre le harcèlement sexuel sur tous les lieux de travail, qu’il a ait ou non une section syndicale, tant dans le secteur public que dans le privé. Il porte également sur la prévention et la réparation pour les plaintes concernant le harcèlement sexuel. Les femmes employées sur un lieu de travail, tout comme celles qui y pénètrent comme clientes ou apprenties, avec les étudiantes et les chargées de recherche dans des établissements d’enseignement supérieur et des universités, doivent être couvertes par la législation.
Jusqu’à maintenant, les directives liées à la décision de la Cour suprême en 1997 dans le procès de Vishaka et autres contre l’État de Rajasthan (AIR 1997 SC 3011) constituent une première étape importante en Inde pour aborder le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Cependant, l’expérience montre que sur les lieux de travail, les femmes sont nombreuses à ne pas savoir qu’il existe un mécanisme de réparation; c’est même le cas pour les chefs au niveau de l’atelier. Également concernés, les services de la main-d’œuvre ne connaissent pas ou ne savent pas comment utiliser les directives pour traiter les questions relatives au harcèlement sexuel sur le lieu de travail.
Les syndicats et les militant(e)s de la société civile veulent que le gouvernement fasse de véritables efforts pour traiter les questions relatives à la violence contre les femmes, en renforçant la législation, en menant une enquête rapide sur tout crime sexuel, et chose plus importante, par une augmentation du nombre de femmes dans le personnel policier et une sensibilisation des autorités chargées de l’application des lois. Les employeurs doivent également prendre de véritables mesures pour mettre un terme au harcèlement sexuel, qui est l’un des nombreux enjeux discriminatoires auxquels les femmes sont confrontées sur le lieu de travail.
La situation est aussi véritablement mondiale. La persistance de la discrimination est à la base de la violence contre les femmes. Il faut mettre fin à cette culture discriminatoire. Selon un rapport des Nations unies, 70 pour cent des femmes ont fait l’expérience de la violence durant leur vie. Des données de la Banque mondiale indiquent que les femmes âgées de 15 et 44 ans courent un plus grand risque de viol et de violence domestique que de cancer, d’accidents de la circulation, de guerre et de paludisme. C’est aussi un fait connu et prouvé que dans certains conflits, les forces armées utilisent délibérément la violence sexuelle contre les femmes pour humilier leurs adversaires.
Les gouvernements du monde entier doivent s’attacher à créer une volonté politique, une prise de conscience du public, à promulguer et appliquer une législation appropriée et à engager davantage de moyens pour s’opposer à la violence contre les femmes et les filles.