20 février, 2025L’antenne de Tongyeong du tribunal de district de Changwon, en Corée du Sud, a condamné 28 travailleurs et travailleuses en sous-traitance de Hanwha Ocean (construction navale) pour “obstruction à l’activité” à la suite de leur grève de 51 jours en 2022, dans le cadre de leur lutte pour la reconnaissance de leur syndicat.
Le Président de la section locale du Syndicat coréen des métallurgistes (KMWU), le syndicat des sous-traitants des chantiers navals de Geoje, Tongyeong et Goseong, Kim Hyoung-su, a été condamné à trois ans de prison et à une amende d’un million de wons (équivalent de 670 dollars). L’ancien Vice-président du syndicat, Yoo Choi-Ahn, a été condamné à deux ans de prison, tandis que le Secrétaire général de la section locale, Lee-Kim Chun-Taek, a été condamné à un an de prison.
Neuf autres militants syndicaux ont également été condamnés à des peines de prison, tandis que les 17 personnes restantes se sont vu infliger des sanctions financières.
Le juge a accordé un sursis à l’exécution de toutes les peines d’emprisonnement, citant la nature d’intérêt public de la grève.
Au cours de l’été 2022, la section locale des sous-traitants de la construction navale de Geoje, Tongyeong et Goseong a organisé une grève au dock 1 du chantier naval d’Okpo. Les travailleuses et travailleurs revendiquaient des négociations collectives avec Daewoo Shipbuilding and Marine Engineering (DSME) pour revenir sur une réduction unilatérale de 30 % des salaires, améliorer les conditions de santé et de sécurité, garantir les droits syndicaux et s’attaquer à ce qu’ils considéraient sur le chantier naval comme des accords de sous-traitance à plusieurs niveaux, assimilables à de l’exploitation.
DSME, rachetée par la suite par le groupe Hanwha et rebaptisée Hanwha Ocean en 2023, a justifié les baisses de salaire en invoquant le ralentissement économique causé par la pandémie de Covid-19.
Les travailleuses et travailleuses en grève ont fait l’objet d’intimidations de la part de l’entreprise et des autorités. DSME a refusé la négociation collective et a mobilisé des employés de son département des ressources humaines, des sous-traitants et des cols blancs pour attaquer les travailleurs et travailleuses en grève. L’administration de Yoon Suk Yeol a fait monter la tension en envisageant de lancer un raid sur la grève, en déployant des commandos et des forces spéciales pour mener des exercices de répression à proximité des manifestations contre le corset imposé aux travailleurs, avec des hélicoptères survolant les lieux.
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Malgré la fin de la grève, l’entreprise a poursuivi le syndicat et ses dirigeants en justice et leur a réclamé 37 millions de dollars de dommages et intérêts au titre des objectifs de production non atteints.
En octobre 2023, IndustriALL et la CSI, ainsi que des organisations de la société civile, se sont réunies à Genève pour soutenir la société civile coréenne. Ils ont fait part de leurs préoccupations concernant la répression de la liberté syndicale par le gouvernement coréen lors de l’examen par le Comité des droits de l’homme des Nations unies du respect par la Corée de ses obligations au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
Le Président du syndicat coréen des métallurgistes (KMWU), Jang Chang-year, a fustigé la décision du tribunal en déclarant :
“Les tentatives d’emprisonner nos membres et de leur imposer des demandes de dommages et intérêts astronomiques simplement parce qu’ils revendiquent un traitement équitable et la dignité humaine sont la preuve évidente que le système est fondamentalement défaillant. Hanwha Ocean doit retirer sa plainte civile et la justice doit rendre un verdict de non-culpabilité dans le procès en appel.”
Le Secrétaire général d’IndustriALL, Atle Høie, a déclaré :
“IndustriALL s’attendait à un verdict équitable qui respecte pleinement les droits des travailleuses et travailleurs à la liberté syndicale, y compris le droit illimité de grève et de négociation collective. Cette attente découle de l’engagement de la République de Corée à protéger les droits civiques et politiques de ses travailleurs et travailleuses et de ses citoyens ainsi que de sa ratification des Conventions 87 et 98 de l’OIT. Cela n’a pas été le cas, de sorte que la Corée a encore un long chemin à parcourir. En attendant, ces verdicts doivent être annulés”.
Illustrations : 1-3. Grève de 2022 ; 4. Devant le tribunal, le 19 février 2025. Crédit photo : KMWU