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Trêve sous tension à la mine de cuivre de Cananea au Mexique

14 juin, 2010

Des dizaines de lettres ont été envoyées au Président mexicain, Felipe Calderon, par des affiliés de l'ICEM la semaine dernière en réponse à son appel réclamant le dialogue plutôt que la force brutale pour sortir de la grève que mènent depuis trois ans 1.200 travailleurs de la section 65 du Syndicat national mexicain des mineurs et métallurgistes (SNTMMSRM) à la mine de cuivre de Cananea, dans le nord de l'État de Sonora. Le 6 juin, la police fédérale mexicaine a fait usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc pour disperser des grévistes à la mine et dans les locaux de la section 65 du syndicat.

Fin de la semaine, à la suite d'un accrochage survenu le 10 juin entre mineurs et policiers et qui avait fait huit blessés, une trêve a été déclarée par les dirigeants de la section 65 réunis les 10 et 11 juin avec le Gouverneur de l'État de Sonora, Guillermo Padres Elias, à Hermosillo, et avec le Secrétaire mexicain de l'Intérieur, Fernando Gomez-Mont.

Lors de la réunion du 11 juin, M. Gomez-Mont a déclaré qu'il s'efforcerait d'organiser cette semaine une réunion entre le syndicat et la Southern Copper Corp., filiale du Grupo Mexico, propriétaire de la mine. À l'issue de cette réunion, le Secrétaire général de la section 65, Sergio Tolano Lizarrago, a déclaré que le gouvernement semble maintenant déterminé à forcer les deux camps à reprendre le dialogue.

Du côté syndical, le comité de grève exige que Southern Copper cesse les "embauches illégales" de sous-traitants pour reprendre l'exploitation de la mine. Une confrontation a eu lieu le 10 juin au petit matin lorsque des grévistes ont roulé d'énormes blocs de roche pour couper la route menant à la mine de Cananea et empêcher le personnel de remplacement d'y accéder. La police fédérale a pris position à l'entrée de la mine et a tiré des gaz lacrymogènes et des gaz au poivre contre les quelque 150 mineurs qui se sont réfugiés dans les collines environnantes.

D'après les rumeurs, pendant ces quatre jours d'altercations, 16 personnes ont été blessées, dont quatre mineurs, deux policiers, et le reste des civils, pour la plupart des proches de grévistes et autres intoxiqués par les gaz.

En réponse à l'appel de l'ICEM, son affilié sud-africain National Union of Mineworkers (NUM) avait annoncé qu'il organiserait une action de protestation lors du match d'ouverture de la coupe du monde entre l'Afrique du Sud et le Mexique, le 11 juin. Cette action s'est faite avec la participation d'adhérents du NUM, du National Union of Metalworkers of South Africa (NUMSA) du Chemical, Energy, Pulp, Paper, Wood, and Allied Workers’ Union (CEPPAWU) et du South African Transport and Allied Workers’ Union (SATAWU).

En même temps qu'elles occupaient la mine de Cananea, les forces fédérales ont aussi pris le contrôle du charbonnage de Grupo Mexico de Pasta de Conchos, dans l'État de Coahuila. Elles ont dispersé les veuves et les proches des 65 mineurs toujours ensevelis dans les galeries à la suite du coup de grisou de février 2006. Cette foule maintenait depuis longtemps une présence sur les lieux pour réclamer du gouvernement et de la direction de la mine qu'ils fassent le nécessaire pour retrouver les corps des défunts.

Le gouvernement et la direction avaient refusé et empêché certains mineurs de poursuivre leurs recherches en coupant l'électricité. Beaucoup pensent qu'ils voulaient ainsi éviter qu'ils découvrent des preuves de la responsabilité de la direction dans l'accident. La mine a été définitivement mise sous scellés après l'intervention de la police, le 6 juin. La direction est très largement accusée de ne pas indemniser comme elle le devrait les familles des victimes.

La grève a démarré de manière légale le 30 juillet 2007 à Cananea lorsque la section 65 du SNTMMSRM, aussi appelé Los Mineros, a refusé de travailler dans des conditions de danger similaires à celles qui avaient provoqué l'explosion de Pasta de Conchos.

Sergio Tolano et un syndicaliste de la section 65 membre de l'exécutif national de Los Mineros, Juan Gutierrez Ballesteros, ont aussi été interpelés le 6 juin mais un arrêt de justice a ordonné leur remise en liberté.

Lors d'un forum économique qui s'est tenu le 11 juin au Pérou, où Southern Copper exploite aussi des mines, le P-DG Oscar Gonzalez Rocha a annoncé que l'assaut de la police à Cananea permet à la filiale du groupe américain de lancer un programme d'investissement et de redémarrer la production de cuivre au début de l'année prochaine. Il a annoncé que Southern Copper allait investir 50 millions $ à Cananea.

Ailleurs, à Genève, où se tient la Conférence internationale du travail de l'OIT, le cas du Mexique a été examiné le 10 juin par la Commission de l'application des normes. Le débat a surtout porté sur la Convention n° 155 sur la sécurité et la santé des travailleurs. Bien que les délégués des employeurs et du gouvernement du Mexique, secondés par un représentant de Grupo Mexico aient insisté sur la multiplication des inspections sur site, les représentants des travailleurs du monde entier ont dénoncé le mépris pour les travailleurs affiché par le gouvernement de Felipe Calderon.

Les salariés sous contrat de courte durée ou employés comme intérimaires représentent 60% de l'ensemble du personnel mexicain. Leur protection sociale est très faible ce qui donne, en matière d'accidents du travail notamment, des statistiques atypiques. S'agissant de la santé et la sécurité, au Mexique, c'est le travailleur qui doit apporter la preuve qu'il y a eu accident ou blessure, et comme la justice met souvent des années à statuer, les entreprises jouissent d'une certaine impunité.