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Rencontre avec la Camarade Lina, et le Camarade Sasmita, de PT Cussons en Indonésie

19 juin, 2011Lina, travailleuse sous-traitante de PT Cussons à Tangerang, Sasmita, Président de SP FARKES R PT PZCI, le syndicat qui représente à la fois les travailleurs permanents et en sous-traitance de PT Cussons

Depuis combien de temps travaillez-vous chez PT Cussons?

Lina: c’est la deuxième fois que je suis employée dans cette usine. La première était entre 2000 et 2002. Je travaillais pour une agence avec des contrats de six mois. J’ai ensuite arrêté de travailler à l’usine. J’y ai repris le travail en 2008. Je travaille directement pour l’usine depuis cette date à durée déterminée avec des contrats d’un an. Entre 2000 et 2002, j’ai travaillé au département production et maintenant je travaille au remplissage. J’effectue les mêmes tâches que les travailleurs permanents du département.

Combien y a-t-il de travailleurs sous-traitants, intérimaires et permanents à l’usine?

Sasmita: il y a 212 travailleurs sous contrat à durée déterminée (les contractuels), 100 intérimaires, tous étant employés par la même agence, et il y a 850 travailleurs permanents.

Lina: les travailleurs permanents ont un uniforme gris, les contractuels ont un uniforme bleu et les intérimaires ont un uniforme noir et blanc.

Sasmita: les travailleurs permanents ont 1,5 millions de roupies par mois et les contractuels le salaire minimum (1,3 millions de roupies par mois). Les heures supplémentaires des uns et des autres sont calculées au prorata, comme le veut la loi.

Quelles sont les conditions de travail qui diffèrent entre les travailleurs permanent et les contractuels ?

Lina: les travailleurs permanents reçoivent du savon et du lait de l’entreprise. Les contractuels ne reçoivent que du savon, pas de lait. Les permanents ont une allocation de santé pour toute leur famille, les contractuels ne l’ont que pour eux-mêmes.

Sasmita: les travailleurs permanents ont seulement une formation très limitée. Dans un département maintenance comptant 30 travailleurs, seuls dix auront des possibilités de formation. Les travailleurs contractuels ne reçoivent pas de formation. Ils n’ont pas de perspectives.

Sasmita

Pour ce qui est de la santé et la sécurité, les travailleurs permanents et les autres ont chacun des masques et des gants. Les travailleurs contractuels ne reçoivent pas de chaussures de sécurité. L’entreprise est très bonne au niveau santé et sécurité mais seulement pour les travailleurs permanents. Les contractuels doivent tout apprendre de la part des travailleurs permanents. Les contractuels doivent payer entre 1 et 3 millions de roupies pour avoir un emploi chez Cussons, mais on ne peut établir exactement qui reçoit cet argent. Les contractuels subissent la pression de l’entreprise. Ils ne peuvent pas prendre de jours de congé de maladie parce que leur contrat pourrait prendre ainsi fin.

Lina: c’est difficile pour une femme de prendre congé si elle a des règles douloureuses. Nous avons peur d’avoir des problèmes avec l’entreprise.

Dans le contrat à durée déterminée, l’article 8 précise que pendant sa durée, vous ne pouvez pas vous marier ou être enceinte. Si c’est le cas, vous devez démissionner. Selon la loi indonésienne, si vous démissionnez, vous n’avez droit à rien.

En 2010, cinq femmes ont été enceintes et l’entreprise leur a brutalement dit de démissionner. Elles se sont adressées à un avocat qui les a aidées et elles ont été réintégrées. Leurs contrats ont été maintenus mais elles n’ont pris que 13 jours de congé de maternité par peur d’être licenciées. L’entreprise n’a rien dit, mais elles avaient peur de créer des problèmes.

Une personne s’est mariée et l’entreprise n’a pas renouvelé son contrat.

Une de mes amies est en train d’essayer de prendre un congé de maternité mais elle ne sait pas ce qui va se passer, si elle aura toujours un emploi à son retour. Une autre de mes amies est allée au service des ressources humaines pour demander à être en congé de maternité car elle était sur le point d’accoucher. L’entreprise a immédiatement rompu son contrat. Elle avait débuté en septembre 2008, mais en 2009 elle a été licenciée.

Quand est-ce que SP FARKES a commencé à recruter des travailleurs contractuels?

Sasmita: Nous avons commencé à recruter les contractuels en janvier 2011 parce qu’ils ne percevaient pas les mêmes avantages que les salariés permanents. Ils sont toujours mis sous pression par la direction.

Comment vous y êtes vous pris pour recruter ?

Sasmita: Nous avons d’abord organisé un séminaire en dehors des usines pour évoquer les droits. C’était un dimanche et ça a duré toute la journée. Nous avions invité 214 contractuels et 176 sont venus. Au cours du séminaire, nous avons distribué des formulaires d’adhésion et tout le monde les a signés pour devenir membre.

Les cotisations sont les mêmes pour les contractuels. En fonction de nos statuts, les cotisations représentent 1% du salaire du membre.

Comment la direction a-t-elle réagi lorsque les contractuels se sont affiliés au syndicat ?

Sasmita: l’entreprise n’a pas reconnu l’adhésion des contractuels au syndicat. Elle a refusé de les inclure dans le système de perception à la source (check-off). Le syndicat perçoit donc les cotisations des contractuels de la main à la main.

La direction sait que le syndicat représente également les contractuels mais au niveau le plus élevé, on ne veut pas nous reconnaître en tant que représentants des contractuels.

Il existe bien une convention collective, mais elle n’est valable que pour les travailleurs permanents. Cette année, la convention arrive à son terme et nous allons renégocier. Nous espérons pouvoir inclure un article pour faire changer le statut des contractuels pour qu’ils deviennent permanents.

Une rumeur circule selon laquelle l’entreprise ne va pas renouveler tous les contrats. Certains travailleurs sont inquiets et ont demandé à me rencontrer. Je vais les voir et leur expliquer qu’il est préférable de se battre : si nous nous battons, nous pouvons gagner.

Est-ce que vos membres ont été contents que vous recrutiez les contractuels ?

Sasmita: Les travailleurs permanents ont été satisfaits. Ils pensent qu’un jour nous pourrions bien tous être des travailleurs CAL. Un des buts du syndicat est de faire des contractuels des permanents. Le syndicat les informe sur les droits des contractuels. Nous les rencontrons tout le temps et nous essayons de mettre sur pied un réseau entre les contractuels et les permanents. Chaque département a deux délégués syndicaux : un pour les permanents et un pour les contractuels.

Pourquoi es-tu allée au séminaire du syndicat ?

Lina: Je voulais avoir plus d’informations sur mes conditions d’emploi. Après trois ans de travail, je devrais peut-être devenir une travailleuse permanente. Je voulais aussi en savoir plus sur la législation indonésienne du travail.

Pourquoi as-tu décidé de devenir membre du syndicat ?
Lina: D’abord parce que s’il y a un problème, je peux me tourner vers quelqu’un pour de l’aide. Ensuite, parce que le syndicat veut faire abolir l’Article 8 de nos contrats qui stipule qu’une contractuelle ne peut ni se marier ni être enceinte.

As-tu eu peur de la façon dont la direction pourrait réagir à ton adhésion au syndicat ?

Lina: Au départ, bien sûr, j’avais peur. Mais je suis une mère célibataire avec trois enfants et un jour mon contrat prendra fin. Il se termine en octobre de cette année. Quoi qu’il en soit je dois essayer d’être courageuse.

Quand sauras-tu si ton contrat va être renouvelé ?

Lina: il y a un temps de latence entre deux contrats. La première fois ce n’était que deux semaines mais maintenant, c’est un mois et demi sans salaire. La pire des choses pour un contractuel c’est de se trouver entre deux contrats en ayant peur qu’il ne soit pas renouvelé. Tu attends un coup de téléphone ou de voir l’information publiée dans le bulletin. Il y a normalement un préavis d’une semaine avant de reprendre le travail.

Est-ce qu’il y a autre chose que tu souhaites partager à propos de ta condition de contractuelle ?

En étant une contractuelle, je dois être prête à n’importe quoi de ce que veut l’entreprise. Je change de département selon les besoins et je fais tout ce que l’entreprise demande. Je pense que je donne le meilleur de moi-même à la direction, mais elle peut décider d’arrêter mon contrat. Ce n’est pas juste envers moi. J’ai peur d’être licenciée donc je ne prends jamais de congé de maladie. J’en ai pris un l’an dernier. La charge de travail et la pression sont plus grandes pour les contractuels. Sur une ligne de production il n’y a qu’un travailleur permanent, deux à durée déterminée et six qui sont externalisés.

Ce mois-ci, 50 travailleurs sont en attente de la décision quant au renouvellement de leur contrat.