2 décembre, 2016Dans le cadre d’un procès qui pose un inquiétant précédent, douze travailleurs ont été reconnus coupables d’une série d’accusations à la suite de l’escalade d’un conflit de travail au sein d’une zone de libre échange.
Douze travailleurs vont être condamnés aujourd’hui et pourraient se voir infliger des peines allant jusqu’à trois ans de prison. Ils ont été arrêtés en juin 2016 lorsque la police anti-émeute a opéré un raid sur une manifestation pacifique devant l’usine SAE-A Tecnotex dans la zone de libre échange de Tipitapa, Managua.
Cette usine, dont les propriétaires sont sud-coréens, emploie 3.000 salariés et produit des vêtements pour l’exportation à destination d’entreprises aux États-Unis, dont Kohls, Target, JC Penney et Wal-Mart. Des tensions allaient croissant depuis un certain temps, les travailleurs réclamant d’avoir accès à de l’eau potable et à des soins de santé ainsi que des objectifs de production réalistes.
Le conflit a connu une escalade lorsque deux leaders du syndicat Esfuerzo Democrático, affilié à IndustriALL Global Union par le biais de la fédération du textile FESITEX, ont été jetés à la porte. Trois mille travailleurs et travailleuses se sont alors croisés les bras pour exiger leur réintégration et une manifestation pacifique s’est tenue devant l’usine.
Chose inédite au sein des zones de libre échange au Nicaragua, la police anti-émeute avait été envoyée pour mettre les troubles sous l’éteignoir. La police a arrêté sans discernement et de manière arbitraire une douzaine de travailleurs, y compris certains venus d’autres usines et qui étaient là rassemblés pacifiquement ou qui ne faisaient simplement que passer, tout comme un chauffeur de taxi qui n’avait rien à voir avec la manifestation.
Ces douze personnes ont été amenées à comparaître sur base d’accusations soutenues par le Procureur de la République. Dans l’attente de leur procès, celles employées par SAE Tecnotex n’ont pas pu travailler pour subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles.
L’entreprise avait persécuté les syndicalistes et s’en était prise à sa main d’œuvre auparavant : en 2013, des travailleurs protestant contre la mise à pied de leaders syndicaux avaient été pris à partie par une bande, selon toute vraisemblance recrutée par l’entreprise. Néanmoins, il s’agit de la première fois où l’État intervient en faveur de l’employeur.
Le procès a eu lieu la semaine dernière. La directrice des ressources humaines de SAE-A Tecnotex, Fanny Noguera, a témoigné contre les travailleurs lors du procès et deux vigiles de l’entreprise ont comparus en tant que victimes blessées. La sentence devrait tomber aujourd’hui.
Ce procès est un sinistre précédent pour l’accord de libre échange que les pays d’Amérique centrale viennent tout juste de conclure avec la Corée du Sud et qui devrait se traduire par un accroissement significatif des investissements coréens dans la région.
Des syndicats sont sous le feu des attaques de l’État à l’instigation de grandes entreprises en Corée du Sud et on craint que ce modèle de relations sociales soit exporté comme faisant partie de l’accord commercial.
Le Secrétaire général d’IndustriALL, Valter Sanches, a écrit à la Procureure de la République, Ana Julia Guido Ochoa, pour condamner le précédent que constitue la criminalisation d’un conflit de travail et pour l’appeler à abandonner les charges.
Il a écrit au Président du Nicaragua, Daniel Ortega, pour lui demander d’intervenir et pour que le fonctionnaire en charge de la certification syndicale reconnaisse ce syndicat comme légitime représentant des travailleurs.
Valter Sanches a également adressé un courrier au Président de SAE-A Tecnotex en Corée du Sud, Woong-ki Kim, pour appeler l’entreprise à abandonner les charges contre les travailleurs et à leur verser les salaires correspondant à la période pendant laquelle ils n’ont pas pu prester.
Des copies de ces courriers ont aussi été envoyées à Walmart.
Il déclare :
“Cette condamnation injuste de travailleurs ne faisant rien d’autre que de défendre leurs droits pose un épouvantable précédent.
“L’entreprise doit abandonner les charges et négocier de bonne foi avec le syndicat en vue de renouveler la convention collective.”