19 octobre, 2016Un nouveau et percutant rapport des Nations Unies sur la liberté de réunion critique la “distinction artificielle” entre les droits du travail et les droits de l’homme.
Les Nations Unies ont publié un rapport sur le droit de réunion pacifique et de libre association sur le lieu de travail qui sera présenté lors de la 71e session de l’Assemblée générale ce 20 octobre 2016.
Ce rapport, œuvre du Rapporteur spécial Maina Kiai, conclu que la concentration croissante du pouvoir des entreprises affaiblit les droits du travail. Bien que les États ont le devoir en vertu de la législation internationale de respecter et de promouvoir les droits des travailleurs, la force des multinationales fait qu’ils y échouent souvent.
Les travailleurs ont besoin de protection maintenant plus que jamais : la mondialisation se traduit par une croissance sans précédent de chaînes d’approvisionnement complexes, de migrations massives de travailleurs et d’une vaste économie informelle. La plupart des travailleurs et travailleuses de ce monde sont exclus des cadres légaux et n’ont aucune protection syndicale ou couverture par la négociation collective.
“Notre monde et son économie mondialisée changent à toute allure et il est essentiel que les outils que nous utilisons pour protéger le droit du travail s’adaptent tout aussi vite,” a indiqué M. Kiai.
“Une première étape vers la réalisation de cet objectif consiste à abolir la distinction obsolète et artificielle entre droits du travail et droits de l’homme en général.
“Les droits du travail sont des droits de l’homme, et la possibilité de les exercer sur le lieu de travail est une condition préalable pour que les travailleurs jouissent d’un large éventail d’autres droits, économiques, sociaux, culturels, politiques ou autres.”
Certaines parmi les pires des violations de ces droits se déroulent à l’encontre de travailleurs informels, migrants et de femmes travailleuses au sein des chaînes mondiales d’approvisionnement. Le rapport met en lumière la violation des droits des migrants, dont le système kafala dans les pays du Golfe, le visa H2 pour travailleurs étrangers aux États-Unis et les rabatteurs de main d’œuvre au Royaume-Uni.
Les femmes sont poussées vers des emplois à bas salaires et faible statut au sein des segments les moins protégés de l’économie. L’écart entre les sexes fait que ce sont 77% de femmes qui accomplissent les prestations de soins et de garde non rémunérées et nombre de femmes sont confrontées au travail à de la maltraitance verbale, physique ou sexuelle, à du harcèlement sexuel ou au viol.
Le rapport indique qu’il existe une attaque coordonnée contre les droits des travailleurs, tant au plan national qu’international, avec le groupe des employeurs à l’OIT prétendant en 2012 que le droit de grève, protégé par la Convention 87, n’existait pas du tout.
De nombreux États ne protègent pas le droit des travailleurs à la liberté de réunion. On y retrouve l’interdiction pure et simple des syndicats indépendants dans des pays comme l’Arabie Saoudite et la Chine, de nouvelles législations du travail en Inde qui accroissent la flexibilité, la répression des syndicats en Égypte et en Corée du Sud et des États américains qui fournissent des incitants à Nissan et Volkswagen pour demeurer non syndiqués. Le rapport critique le Comité olympique et la FIFA pour avoir failli à protéger les droits des travailleurs lors des Jeux olympiques de Rio 2016 et à l’occasion de la prochaine Coupe du Monde au Qatar.
La responsabilité sociale des entreprises a créé un secteur de la conformité volontaire pesant des milliards de dollars qui s’avère complètement inefficace. Ceci présente un contraste marqué avec les textes contraignants, comme l’Accord du Bangladesh, négocié avec les syndicats.
Le rapport se conclut par une série de recommandations aux États, aux entreprises et à la société civile, y compris aux syndicats, à l’OIT et à l’ONU.
Les États devraient ratifier tous les instruments internationaux et régionaux pertinents en matière de droits de l’homme, y compris les Conventions 87 et 98 de l’OIT. Ils devraient s’assurer que les droits syndicaux puissent être exercés par tout un chacun, nonobstant le type de travail, le secteur ou le statut par rapport à l’immigration.
Le monde des entreprises devrait reconnaître le droit des travailleurs à former des syndicats, à entreprendre des négociations et des actions collectives, dont le droit à faire grève. Il devrait renoncer aux actions anti-syndicales et aux représailles contre les militants.
Syndicats et société civile devraient œuvrer ensemble plus étroitement et les organisations de droits de l’homme devraient reconnaître les droits syndicaux comme relevant de leur mandat de base. Les syndicats devraient s’atteler davantage à s’occuper des travailleurs privés de droits, dont les travailleurs et travailleuses migrants et informels.
L’ONU devrait intégrer les droits du travail dans tous ses programmes et s’assurer que les droits des travailleurs sont protégés au niveau de toutes les soumissions et tous les prêts.
La Secrétaire générale adjointe d’IndustriALL Jenny Holdcroft a déclaré :
“Il est réellement important que l’Assemblée générale de l’ONU reconnaisse que les droits du travail et les droits de l’homme sont inséparables. La liberté d’association est partout sous le feu des attaques et les syndicats sont en première ligne pour la défendre.”