14 décembre, 2018Au Cambodge, six dirigeants syndicaux de premier plan ont été condamnés à des peines de prison avec sursis, sans preuves et à l'issue d'un procès truffé d'irrégularités. IndustriALL Global Union exige que ces condamnations soient annulées sur-le-champ.
Les chefs d'accusation portent sur des actions de protestation de travailleurs de la confection et de la chaussure qui avaient débuté fin 2013 dans la capitale, Phnom Penh, pour réclamer un salaire mensuel minimum de 160 $. Quatre personnes avaient été tuées et vingt-sept autres blessées lorsque la police militaire avait ouvert le feu sur des travailleurs qui protestaient, le 3 janvier 2014.
Les six syndicalistes, dont cinq sont des dirigeants d'affiliés cambodgiens d'IndustriALL, ont été reconnus coupables d'incitation à la violence contre le gouvernement en 2013 et 2014. Tous ont été condamnés à des peines de deux ans et demi de prison avec sursis.
Suivant la loi cambodgienne, un verdict de culpabilité a pour effet qu'ils ne pourront rester à la tête de leurs syndicats étant donné qu'ils ont maintenant des casiers judiciaires.
Le Secrétaire général d'IndustriALL, Valter Sanches, a déclaré :
"Nous appelons le gouvernement à intervenir et faire en sorte que les condamnations des six leaders syndicaux soient cassées et que toutes les procédures en cours contre des activistes et dirigeants syndicaux soient abandonnées. La justice est utilisée pour briser les syndicats indépendants, ce qui est une violation flagrante des conventions internationales fondamentales sur le travail que la Cambodge a ratifiées."
Ces six personnes sont des responsables de cinq affiliés d'IndustriALL, Chea Mony (FTUWKC), Mom Nhim (NIFTUC), Pav Sina (CUMW), Yang Sophorn (CATU) et Ath Thorn (CCAWDU), auxquels il faut ajouter Rong Chhun, du syndicat indépendant des enseignants du Cambodge.
Ils ont été condamnés à verser ensemble 35.000.000 riels (8.600 $) à titre d'indemnisation des parties civiles, alors même qu'un des plaignants avait retiré sa plainte pendant le procès.
Les leaders syndicaux ont l'intention de faire appel. Ath Thors, le Président du CCAWDU, a déclaré :
"Cette décision de justice est inacceptable et nous empêche d'exercer notre droit de représenter nos syndicats et nos travailleurs. Nous exhortons les autorités à abandonner toutes les poursuites contre des dirigeants syndicaux."
Les six syndicalistes étaient en liberté sous caution depuis leur inculpation et jusqu'à ce que le Premier ministre Hun Sen ordonne au ministère du Travail de régler tous les cas en suspens contre des leaders syndicaux pour la fin de l'année. Bien que ces dirigeants syndicaux ne doivent pas purger leur peine, ils risquent d'être envoyés en prison pour toute infraction, grave ou mineure, commise dans les cinq années à venir. Il est à craindre que cette menace soit utilisée pour empêcher les dirigeants de syndicats de participer à des manifestations pacifiques et de mener leurs activités syndicales.
Le procès était motivé par des accusations de violences directes et de dégâts à des biens; or, le prononcé du jugement parle d'incitation à commettre ces actes. Ce changement des chefs d'accusation n'a été révélé que lorsque le tribunal a rendu sa sentence, le 11 décembre, sans que les accusés ou leurs avocats en fussent avisés pendant le procès.
En outre, aucun élément matériel n'a été présenté pour étayer les accusations d'incitation à la violence pour lesquelles ils ont été condamnés. Aucun des véritables auteurs de ces actes de violence ou de dégâts n'a comparu à l'audience et aucun nom n'a été cité.
IndustriALL a souscrit à une déclaration dénonçant cette condamnation avec les syndicats mondiaux IBB, FITD, ISP et UITA.