2 février, 2023Fin janvier, les affiliés d’IndustriALL de l’industrie aérospatiale se sont réunis à Casablanca, au Maroc, pour discuter du secteur et d’une feuille de route stratégique pour l’avenir. La région a été choisie pour souligner l’importance des économies aérospatiales émergentes comme le Mexique, l’Inde et la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA, pour l’acronyme anglais couramment utilisé), principalement le Maroc et la Tunisie.
Le Directeur d’IndustriALL pour l’aérospatiale, Georg Leutert, a souligné l’importance de la mondialisation du travail syndical :
“Nous devons élargir notre perspective et notre participation. Nous partageons tous les mêmes valeurs et nous devons en faire une réalité tout au long de la chaîne d’approvisionnement dans le monde entier. Les travailleurs et travailleuses ont des droits universels et les réseaux syndicaux mondiaux sont un moyen de renforcer nos connaissances et notre soutien mutuel. Nous pouvons apprendre beaucoup les uns des autres ; concentrez-vous sur les meilleures pratiques et diffusez-les.”
Mahmood Arbouch, du Centre politique marocain pour le nouveau sud, a donné un aperçu de ce qu’est dans le pays l’industrie aérospatiale, qui emploie actuellement 41 % de femmes, principalement pour les faisceaux de câbles. L’industrie aérospatiale est en pleine croissance, tant au Maroc qu’en Tunisie, même si les défis à venir comprennent le rétablissement complet des effets de la pandémie mondiale de Covid, les perturbations de l’approvisionnement mondial, le suivi de la numérisation, le changement climatique et ses implications sur l’industrie, la réduction des écarts de compétences et la préparation à l’augmentation du trafic passagers.
Abdelaziz Arfaoul, Secrétaire général de la FGME-UGTT, a décrit les défis auxquels sont confrontés les travailleurs et travailleuses du secteur en Tunisie, un pays au chômage élevé et connaissant l’instabilité politique, affecté par la guerre en Ukraine et les séquelles de la pandémie mondiale. Les syndicats doivent s’attaquer aux conditions de travail dangereuses dans l’industrie aérospatiale, ainsi qu’aux bas salaires. On a l’impression que de nombreux emplois dangereux et à forte intensité de main-d’œuvre sont délocalisés dans la région MENA.
Les participants du Maroc et de la Tunisie ont exprimé le besoin de justice sociale et ont soulevé la question de savoir comment y parvenir. Le secteur aérospatial connaît une croissance rapide et les contrats précaires sont un problème dans la région, tout comme l’antisyndicalisme. Il existe des exemples de multinationales qui travaillent bien avec les syndicats dans leur pays d’origine mais qui ne respectent pas leurs propres codes de conduite dans la région.
“Le Maroc et la Tunisie sont des pays émergents pour le secteur, où de sérieux efforts pour syndiquer les travailleurs et travailleuses sont en cours et où le pouvoir des syndicats s’accroît pour contrer l’antisyndicalisme”,
a déclaré Ahmed Kamel, Secrétaire régional d’IndustriALL.
L’externalisation est un problème majeur chez Embraer au Brésil. Des collègues brésiliens ont fait part à l’assemblée du refus de l’entreprise de signer une CCT, ce qui a entraîné des licenciements et une externalisation accrue.
En 2020, Embraer a licencié 2.500 travailleurs et travailleuses ; dans le même temps, le nombre de postes externalisés a augmenté de 19,11 %. Il y a un fort processus de rotation du personnel qui consiste à licencier les travailleurs et travailleuses âgés et à embaucher des externalisés à un tiers du salaire, ce qui a une conséquence directe sur la sécurité sur le lieu de travail.
Réagissant aux mauvais salaires et aux mauvaises conditions de travail, les travailleurs et travailleuses de différentes filiales de TATA Aerospace en Inde ont formé un syndicat et ont commencé à recruter des membres. L’employeur a réagi en les licenciant. Le syndicat a alors porté l’affaire devant le Département du travail, mais comme l’entreprise est située dans une zone économique spéciale, les législations relevant du Département du travail n’y sont pas applicables.
“Nous avons déposé une requête auprès de la Haute Cour. Nous ne voulons pas d’argent, nous voulons être réintégrés. Nous nous battons pour les droits humains fondamentaux. Nous nous battons pour un avenir meilleur et plus sûr pour nos enfants,”
a déclaré R.D.Chandra Shekar, Président en exercice du Syndicat de TATA Advanced Aerospace Systems.
Les travailleurs et travailleuses du secteur aérospatial dans le monde entier sont confrontés aux mêmes défis et problèmes, ce sont les degrés qui varient.
John Holden et Richard Jackson, du Syndicat américain des machinistes, ont décrit la situation dans l’État de Washington et la manière dont le syndicat s’efforce de maintenir et de fournir de bons emplois syndiqués dans leurs communautés. La création du Machinist Institute a permis d’offrir une formation pratique aux travailleurs et travailleuses afin qu’ils puissent évoluer dans leur carrière. Ils cherchent également à fournir des services de garde d’enfants le soir et le week-end, pour lever ce qui peut être un obstacle, en particulier pour les femmes qui travaillent, afin de profiter d’un avancement ou même conserver l’emploi qu’elles ont.
Ian Waddell, du syndicat britannique Unite, a évoqué la triple crise à laquelle l’Europe est actuellement confrontée : crise énergétique, crise des matières premières et crise du coût de la vie. Pour y faire face, les syndicats demandent des mesures urgentes pour lutter contre la crise énergétique sans négliger le changement climatique, des solutions pour les matières premières critiques et des salaires plus élevés pour les travailleurs et travailleuses.
Les participants à la réunion ont également discuté des priorités à venir, qui comprennent la décarbonisation, la numérisation et la diligence raisonnable au sein des chaînes d’approvisionnement.
La réunion s’est terminée par l’adoption d’une résolution de solidarité sur la situation syndicale au Maroc, en Tunisie, en Inde et au Brésil, ainsi que par une promesse de soutien pour améliorer et résoudre les problèmes.
“L’avenir de l’industrie aérospatiale dépendra de la capacité à décarboniser l’aviation. Les syndicats doivent être impliqués dès le début dans cette transformation fondamentale pour s’assurer qu’elle soit juste et socialement responsable.”
a déclaré Maria Perez, du syndicat français Force ouvrière et Coprésidente du secteur.