10 décembre, 2018Le gouvernement du Bangladesh se sert d’un recours devant la Cour suprême du Bangladesh pour empêcher l’application de l’Accord, compromettant ainsi la sécurité des travailleurs.
Dans sa communication à la Cour dans le cadre du recours contre le jugement du tribunal stipulant l’arrêt du fonctionnement de l’Accord au Bangladesh dès le 30 novembre, le gouvernement a déclaré que celui-ci devrait uniquement être autorisé à opérer dans le pays en vertu d’un ensemble de conditions très prohibitives qui dépouillent l’initiative mondialement respectée en matière de sécurité de sa capacité à fonctionner indépendamment d’un contrôle exercé par le gouvernement et l’employeur. La communication indique également que ce sera la dernière prorogation accordée au maintien du bureau de l’Accord à Dhaka.
Si elles sont acceptées par la Cour suprême, les conditions du gouvernement détruiront l’indépendance de l’Accord en soumettant toutes ses décisions à l’aval d’un comité gouvernemental. Par exemple, une autre condition défend aux inspecteurs de l’Accord d’identifier toutes nouvelles infractions à la sécurité, exigeant d’eux d’ignorer délibérément les dangers mortels qu’ils détecteraient lors de leurs inspections, tels que les systèmes d’alerte défectueux, les issues de secours bloquées et les lézardes dans les colonnes structurales portantes. Une autre contrainte empêche l’Accord de prendre des mesures contre les propriétaires d’usine qui menacent ou licencient les travailleurs ayant des griefs en matière de sécurité.
Durant l’audience qui a eu lieu le 6 décembre, lors de laquelle a été présentée la réponse de l’Accord aux entraves à son fonctionnement, le gouvernement a sollicité la tenue d’une nouvelle audience le 10 décembre pour lui laisser le temps d’examiner la suite à donner. Aujourd’hui, il a demandé et obtenu un délai supplémentaire jusqu’au 17 décembre. Sans une direction claire, l’avenir de l’Accord est incertain.
Les syndicats mondiaux signataires de l’Accord, IndustriALL et UNI, ainsi que les quatre témoins signataires, Clean Clothes Campaign (Campagne pour des vêtements propres), International Labor Rights Forum (le Forum international des droits du travail), le réseau de solidarité Maquila, et le Worker Rights Consortium (le Consortium des droits des travailleurs), appellent les partenaires commerciaux du Bangladesh et les marques de vêtements mondiales à demander instamment au gouvernement du Bangladesh de ne pas imposer ces entraves intolérables à l’Accord pour qu’il puisse poursuive son travail salvateur.
L’Accord a contribué à améliorer fortement la sécurité dans les usines de confection au Bangladesh depuis sa mise en œuvre après l’effondrement de l’usine de Rana Plaza en 2013, qui a fait plus d’un millier de morts. L’Accord a permis d’identifier plus de 100 000 risques d’incendie, électriques et structuraux au niveau des bâtiments, dont il a été remédié en grande majorité. Plus de deux millions de travailleurs ont suivi la formation en sécurité dispensée dans plus de 1 000 usines.
Malgré ces avancées, des dangers demeurent et la vie des travailleurs reste menacée. Plus de 50 % des usines ne disposent toujours pas d’alarmes incendie adéquates et de systèmes de détection de fumée; 40 % n’ont toujours pas terminé les travaux de rénovation des structures des bâtiments nécessaires.
Les conditions du gouvernement ne permettront pas, en vertu de l’Accord, d’identifier et de notifier tous les nouveaux risques sécuritaires, d’aider les usines à effectuer les rénovations salvatrices, de répondre aux griefs des travailleurs en matière de sécurité, ainsi que de continuer de dispenser la formation indispensable en santé et en sécurité aux travailleurs et aux gestionnaires. Avoir une autorisation de fonctionner dans de telles conditions ou ne pas avoir d’autorisation équivalent.
Si le gouvernement du Bangladesh ne lève pas d’urgence ces contraintes afin de préserver la qualité et l’indépendance des activités de l’Accord, ce dernier n’aura aucun autre choix que de continuer à opérer à partir de son siège à Amsterdam et donc, de transférer la gestion de ses programmes d’inspection, de rénovation et de formation, ainsi que de recourir à des sous-traitants pour la mise en œuvre. Cela aura nécessairement des répercussions sur sa capacité à soutenir la remise en état des usines, ce qui obligera certaines marques à mettre fin à leurs relations d’affaires avec davantage d’usines non sûres.
L’Accord s’est engagé depuis longtemps à céder ses fonctions à un organisme de réglementation national compétent. Néanmoins, la cellule de coordination des mesures correctives du Gouvernement est encore à un stade de développement peu avancé. Il existe un large consensus parmi les parties prenantes, y compris l’Organisation internationale du travail (OIT), les principaux partenaires commerciaux du Bangladesh et les marques, selon lequel la cellule n’est pas encore prête à réaliser les tâches d’inspection en vertu de l’Accord et n’a aucun résultat avéré en matière de respect des normes en matière de sécurité dans les usines relevant de sa compétence.
L’Accord s’est engagé à renforcer la capacité de la cellule et à coopérer avec le gouvernement et ses organismes d’inspection afin d’assurer une transition harmonieuse. Il a déjà présenté un plan d’actions possibles pour ce faire, qui n’a toutefois toujours pas fait l’objet de commentaires de la part du Gouvernement.
Pour fonctionner pleinement, un plan de transition valable en matière d’inspection des usines et de formation en sécurité, ainsi qu’un mécanisme de traitement des plaintes des travailleurs nécessiteront de disposer de beaucoup plus de temps et d’un réel engagement du gouvernement. Ce ne sera pas possible à moins que l’Accord puisse poursuivre ses activités librement. L’Accord est un contrat privé qui demeura contraignant pour les marques signataires jusqu’en 2021, ou jusqu'à ce que la cellule soit manifestement prête à prendre le relai.
L’Accord du Bangladesh est largement reconnu par les marques, les initiatives multipartites, les syndicats, les ONG, les investisseurs, les représentants gouvernementaux et les politiciens comme étant la seule garantie crédible à la sécurisation des usines au Bangladesh. La pression internationale s’est accrue durant la période de préparation de l’audience à la Cour pour que l’Accord soit autorisé à continuer de fonctionner au Bangladesh jusqu'à ce que le gouvernement puisse garantir la sécurité dans les usines.
Les partenaires commerciaux du Bangladesh, y compris le Canada, les Etats-Unis et l’UE, veulent que leurs marques puissent se fonder sur l’Accord pour veiller à ce que les usines de leurs fournisseurs soient sûres; une position qui trouve une illustration dans une résolution du Parlement européen. En conséquence, les trois fondateurs de la cellule du Bangladesh, à savoir le Canada, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, doivent exhorter le gouvernement du Bangladesh à lever toutes les restrictions, à rendre compte publiquement des progrès de l’organisme de contrôle et à mettre l’accent sur la nécessité d’une volonté politique au Bangladesh pour que soit conçu un véritable plan de transition, incluant des formations en sécurité et un mécanisme de traitement des plaintes des travailleurs sur les dangers en matière de sécurité. Si le gouvernement du Bangladesh ne permet pas à l’Accord de fonctionner efficacement et de manière indépendante, les partenaires commerciaux devront tenir compte des conséquences de cette décision sur leurs politiques commerciales avec le Bangladesh en général. À moins que l’Association des fabricants et des exportateurs de vêtements au Bangladesh (BGMEA-Bangladesh Garment Manufacturers and Exporters Association) et que le gouvernement du Bangladesh négocient rapidement et avec réalisme avec l’Accord pour que la totalité des activités de ce dernier continuent, les perspectives d’avenir d’un régime tarifaire favorable aux exportations du Bangladesh seront beaucoup plus nuancées.
S’il veut éviter une dégradation irréparable de la réputation du Bangladesh en tant qu’exportateur de vêtements, le Gouvernement devrait se consacrer à instaurer un organisme de réglementation national compétent pouvant garantir la sécurité des usines de confection au Bangladesh dans l’avenir, plutôt que d’empêcher l’Accord de continuer son travail salvateur.