28 février, 2018Chidi King est directrice du département de l’égalité de la Confédération syndicale internationale (CSI) et dit que le temps est venu d’appeler à une convention sur la violence au travail fondée sur le genre.
Pourquoi avons-nous besoin d’une norme internationale du travail sur la violence fondée sur le genre ?
Je pense que les hashtags #MeToo et #TimesUp démontrent exactement pourquoi il faut que l’OIT travaille sur un fondement juridique international qui prenne en compte la violence et le harcèlement, et en particulier fondés sur le genre, au sein du monde du travail.
Le déballage dans les médias sociaux montre qu’aucun pays n’a réussi à traiter la problématique de manière satisfaisante, même là où des législations peuvent être en place. Si cela a pris tant de temps à des femmes qui travaillent sur des plateaux de cinéma ou dans des salles de presse pour s’exprimer, essayez d’imaginer combien plus difficile cela doit être pour du personnel domestique occupé derrière des portes closes ou pour une personne travaillant derrière une machine dans l’industrie de la confection.
Je pense qu’il est d’une importance critique que nous adoptions un instrument qui dise à la face du monde que la violence fondée sur le genre est inacceptable et ne relève pas du travail. Cela va à l’encontre de la notion de travail décent et nous devons agir.
Nous ne pouvons pas nous contenter d’un instrument générique qui conseille de “prendre telle ou telle mesure” sans nous pencher sur le fait que les femmes et les hommes ne vivent pas le monde du travail de la même manière. Si nous voulons vraiment traiter ce problème avec le sérieux et l’urgence qu’il requiert afin de briser le cercle de silence et de violence, il nous faut toute la force de l’État de droit. S’agissant de l’OIT, cela veut dire une convention complétée par une recommandation.
Pourquoi est-ce une question syndicale ?
Cela touche au cœur de ce que nous faisons en tant que syndicat. Notre mission est d’atteindre le travail décent et la dignité sur le lieu de travail et la question de la violence et du harcèlement s’y trouve réellement au cœur.
Que peuvent faire nos syndicats ?
Augmenter les activités de recrutement syndical autour de la violence fondée sur le genre, avant même que la question ne soit débattue à la Conférence internationale du Travail.
Nous devons également nous adresser à nos gouvernements et employeurs pour expliquer pourquoi c’est si important. Grâce au débat public, il ne s’agit plus d’un problème caché comme cela a pu l’être auparavant. Il faut donc tirer parti de cette dynamique et nous assurer que les gouvernements soient conscients que, partout, les femmes disent que trop c’est trop. Le temps de l’action est venu ! Pratiquement tout ce qui a été révélé au travers des hashtags #metoo et #timesup implique le monde du travail.
En l’occurence, collaborer avec les employeurs est important. Nous savons que les employeurs sont préoccupés par ce problème et qu’ils ne sont pas nécessairement contre une convention de l’OIT complétée par une recommandation. Les instruments contraignants apparaissent parfois comme moins attractifs pour les employeurs, mais nous savons qu’en ce qui concerne cette problématique, il existe un soutien de la part de certains employeurs. Nous encourageons ces employeurs qui seraient susceptibles de soutenir nos positions à s’exprimer et à mettre en évidence leurs meilleures pratiques en la matière.
Les deux prochaines années seront importantes. La deuxième discussion à la CIT se tiendra probablement en 2019, qui marquera également le centenaire de l’OIT. Ce serait magnifique si, en 2019, les employeurs, les travailleurs et les gouvernements pouvaient adopter un ensemble fort d’instruments qui bannissent la violence fondée sur le genre et montrent qu’après cent ans d’existence de l’OIT, c’est comme cela que le dialogue social engendre des lieux de travail décents.