8 mars, 2019La violence et le harcèlement affectent la vie de millions de travailleuses quotidiennement. Néanmoins, il n’existe toujours pas de loi au niveau international fixant un cadre de référence pour prendre des mesures en vue d’éliminer la violence et le harcèlement, y compris la violence et le harcèlement dirigés contre les femmes sur le lieu de travail.
Le deuxième débat de l’OIT sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail se tiendra en juin 2019, à la Conférence internationale du Travail, à Genève, en Suisse. Ce débat sera une occasion historique d’adopter un instrument juridique ayant force obligatoire qui s’attaque à cette grave lacune dans les normes internationales du travail aux fins de protéger des millions de travailleurs, en particulier les femmes. Aussi, quel type de Convention voulons-nous?
- Nous avons besoin d’un texte juridiquement contraignant
Les employeurs à l’OIT et certains gouvernements ont mis en cause la pertinence de l’adoption d’un instrument juridique ayant force obligatoire sur la violence et le harcèlement sur le lieu de travail. Cela ne saurait être.
Tout le monde a le droit d’avoir accès à un monde du travail sans violence et sans harcèlement, y compris sans violence et sans harcèlement fondés sur le genre. Or, la violence à l’égard des femmes est répandue en milieu du travail. Elle a des conséquences dévastatrices sur la santé psychologique, physique et sexuelle, et des répercussions sur le milieu de travail et familial.
C’est pourquoi l’adoption sans délai d’une norme internationale sur la violence et le harcèlement sur le lieu de travail est nécessaire pour garantir des normes minimales pour TOUS.
- Nous avons besoin d’une convention qui accorde une attention particulière à la violence exercée à l’encontre des femmes
La violence à l’égard des femmes sur le lieu de travail demeure l’une des violations des droits humains des travailleurs la plus tolérée. Selon les Nations Unies, 35 % des femmes âgées de plus de 15 ans au niveau mondial (soit 818 millions de femmes) souffrent de sévices sexuels ou de violences physiques à leur domicile, au sein de leurs communautés ou sur leurs lieux de travail.
La violence à l’égard des femmes sur le lieu de travail porte atteinte à leur participation au marché du travail et peut les empêcher d’occuper des emplois dans des secteurs dominés par les hommes.
La nouvelle convention doit mettre en évidence la nécessité de lutter contre les causes sous-jacentes et les facteurs de risque de la violence dirigée contre les femmes, y compris les rapports de force inégaux fondés sur le genre, les nombreuses formes de discrimination s’interpénétrant et les stéréotypes sexistes.
- Nous avons besoin d’une convention qui lutte contre toutes les formes de violence ET le harcèlement
Nous voulons une convention qui s’attaque à tous les types de « violence et de harcèlement », y compris les brimades et le harcèlement psychologique.
Une norme de l’OIT est l’occasion de convenir, pour la première fois, d’une définition internationale de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, y compris le harcèlement sexuel.
- Tous les travailleurs, y compris les travailleurs précaires devraient être protégés par la convention
La nouvelle convention doit englober tous les travailleurs, afin que nul ne soit laissé pour compte. Selon l’OIT, les trois quarts des travailleurs dans le monde occupent des emplois informels, temporaires, indépendants ou non rémunérés. Le monde du travail évolue vers un statut d’emploi moins formel.
Bien que tous les travailleurs puissent être victimes de violence et de harcèlement, certains sont plus vulnérables que d’autres. Plusieurs études révèlent que les travailleurs temporaires et à temps partiel, ainsi que ceux occupant des emplois précaires, courent davantage de risques que les travailleurs permanents à temps plein de subir des violences et d’être victimes de harcèlement. Il existe un lien évident entre la violence et la vulnérabilité économique, la pauvreté et les salaires peu élevés des femmes.
Il est essentiel que la nouvelle convention adopte une définition large des travailleurs, indépendamment de leur situation d’emploi, et qui comprenne l’économie informelle.
- La convention ne doit pas être limitée aux milieux de travail physiques
La convention devrait non seulement porter sur le lieu de travail mais aussi sur les situations professionnelles, telles que les formations, les déplacements professionnels ou pour se rendre au travail, les moyens de transport fournis par l’entreprise et les activités sociales. Selon une étude du Congrès syndical (TUC-Trade Union Congress) réalisée en 2016, une minorité importante de femmes (14 %) ont indiqué que le harcèlement avait eu lieu lors d’un événement social lié au travail, comme la fête de Noël.
Un rapport d’ACTRAV montre que les risques pour les travailleuses sont accrus dans les emplois où les chaînes d’approvisionnement mondiales, notamment dans les secteurs de l’habillement et de l’électronique, sont impliquées en raison de la pression d’honorer les commandes, des longues heures de travail et de la nécessité de se déplacer tard dans la nuit. Les jeunes femmes qui travaillent dans les zones franches économiques sont particulièrement vulnérables à la violence et aux atteintes sexuelles dans les usines, les locaux des entreprises ou sur le chemin de leur travail.
Des recherches effectuées dans les mines sud-africaines dévoilent que les femmes qui travaillent dans les équipes du soir et du matin très tôt ont davantage de risques d’être agressées lorsqu’elles se rendent à la mine ou attendent l’autobus seules le soir.
- La convention devrait tenir compte de l’impact de la violence domestique
Les deux tiers des femmes du monde entier qui subissent la violence de la part de leur partenaire intime occupent un emploi. Cette violence et les efforts pour y échapper affectent la vie des travailleuses. Le manque ou l’absence d’indépendance économique peut également maintenir les femmes enfermées dans des relations marquées par la violence.
La nouvelle convention doit tenir compte du fait que le lieu de travail puisse réduire les conséquences de la violence domestique. Le soutien qui pourrait être apporté à une femme pour conserver son emploi pourrait lui permettre de sortir d’une relation violente où elle reste coincée pour des raisons financières.
- La convention devrait fournir un cadre de responsabilité solide
La convention devrait fournir un cadre aux gouvernements, aux employeurs, aux entreprises et aux syndicats pour lutter contre la violence et le harcèlement sur le lieu de travail.
Alors que la convention devrait s’adresser aux gouvernements, la responsabilité première de créer un environnement de travail dénué de harcèlement et de violence échoit aux employeurs. Ceux-ci devraient supporter la responsabilité de mettre en place, en consultation avec les syndicats, des politiques relatives au milieu du travail incluant des mesures de prévention, des procédures transparentes et confidentielles de traitement des plaintes, des peines à l’encontre des coupables, des information pour s’assurer que les travailleurs comprennent les politiques et les procédures en place, et un soutien aux victimes de la violence et du harcèlement sur le lieu de travail.
IndustriALL encourage nos affiliés et leurs centres nationaux à utiliser cette Journée internationale des femmes pour agir à l’appui d’une convention de l’OIT sur la violence fondée sur le genre dans le monde du travail.