18 mai, 2017DNO, l'entreprise norvégienne qui a licencié son personnel par voie de texto lorsque la guerre a éclaté au Yémen, tente toujours de ne pas payer ses travailleurs alors que la justice l'a condamnée à trois reprises.
DNO a mis fin à ses activités au Yémen et licencié 198 salariés par texto et courriel en avril 2015. Elle n'a pas envoyé de préavis ni versé d'indemnités de licenciement, violant ainsi la législation du travail yéménite. Elle viole aussi l'accord de partage de la production en coentreprise avec le gouvernement.
Le syndicat et le gouvernement ont essayé de nouer le dialogue avec l'entreprise dans le but de trouver des solutions de rechange. Lorsqu'elle a refusé, le syndicat DNO Yemen Union - membre de l'affilié yéménite d'IndustriALL Global Union - l'a assignée devant la juridiction du travail. En août 2016, le tribunal a statué en faveur des travailleurs, confirmant que leur licenciement était illégal, et a ordonné à l'entreprise de verser les arriérés de salaires sous peine de saisie de ses avoirs.
Au Yémen, lorsqu'une entreprise obtient une licence d'exploitation d'un champ pétrolier, elle doit verser les salaires et les cotisations sociales pendant toute la durée de la licence. D'après la direction de l'entreprise, les licences ont été renvoyées au gouvernement en décembre 2016. Elle est redevable des indemnités de licenciement et des salaires jusqu'à cette date au moins.
Au lieu de se soumettre, l'entreprise a fait appel, mais la cour d'appel a confirmé le jugement en faveur des travailleurs. DNO a alors quitté le pays sans une cession en bonne et due forme de ses actifs, ce qui est contraire à sa licence d'exploitation. Le 20 février 2017, la justice yéménite a confirmé une ordonnance de saisie de ses actifs.
En janvier a été lancée une campagne syndicale internationale et plus de 9.000 messages ont été envoyés au président exécutif de DNO, Bijan Mossavar-Rahmani, pour condamner l'attitude de l'entreprise.
Pourtant, l'entreprise a introduit un nouveau recours en avril 2017, cette fois devant la Cour suprême. Donnant raison aux travailleurs le 2 mai 2017, la Cour a enjoint au ministère yéménite du Pétrole et des Minéraux de ne pas libérer DNO de ses obligations tant que ses travailleurs n'auront pas été payés.
Toutefois, le syndicat craint que le ministère ne donne pas la priorité à l'indemnisation des travailleurs. Il a organisé des manifestations devant le palais présidentiel en demandant au gouvernement d'intervenir en embauchant les travailleurs et en rouvrant le champ pétrolier.
Il craint une stratégie de guerre d'usure de l'entreprise qui finirait par décourager les travailleurs.
En attendant, les travailleurs se démènent comme ils peuvent pour nourrir leurs familles.
Lors d'une récente réunion du Réseau syndical du pétrole et du gaz qui s'est tenue à Beyrouth, Anees Alhatari, du DNO Yemen Union, déclarait :
"Depuis 23 mois, les travailleurs de DNO sont dans une situation épouvantable à cause de la guerre. Il n'y a pas de travail et la sécurité se détériore. Ils subissent un stress émotionnel important.
"J'ai constaté beaucoup de problèmes mentaux chez les salariés à cause de la guerre et de ce que DNO a fait."
Le syndicat norvégien Industri Energi a déposé plainte contre DNO au nom du syndicat yéménite auprès de l'OCDE, pour non-respect des principes directeurs de l'Organisation en matière de respect des normes internationales du travail. Bien que l'entreprise conteste la compétence de l'OCDE du fait que les travailleurs concernés ne sont pas membres d'Energi Industri, l'OCDE a déclaré recevable la plainte qui est maintenant à l'examen.
Le Secrétaire général d'IndustriALL Kemal Özkan a déclaré :
"La justice yéménite s'est prononcée à trois reprises en faveur des travailleurs. Le mouvement syndical mondial a aussi déposé plainte auprès de l'OCDE et il va envisager d'autres voies de recours.
"Il est temps pour DNO de tenter de se soustraire à ses responsabilités et de verser les sommes que les tribunaux ont dit qu'elle doit à ses travailleurs."
Les syndicats norvégiens font également pression auprès des actionnaires pour qu'ils retirent leurs participations dans DNO.