20 décembre, 2016Le syndicat américain United Auto Workers (UAW) et la fédération syndicale internationale IndustriALL Global Union ont sollicité l’aide des Points de contact nationaux (PCN) de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) dans trois pays : la France, les Pays-Bas et le Japon.
Les organisations syndicales appellent la multinationale française Renault S.A, la multinationale japonaise Nissan MotorCo., ainsi que la filiale néerlandaise Renault-Nissan BV, le centre de décision stratégique de l’alliance Renault-Nissan, à remédier aux graves violations du droit du travail qu’elles ont observées à l’usine de Nissan North America Inc. (NNA) à Canton dans le Mississippi. L’ouverture de ce dossier fait suite aux recommandations fortes émises par le PCN des Etats-Unis, incluant une offre de médiation rejetée par Nissan North America.
Aujourd’hui, à Paris, La Haye et Tokyo, l’UAW et IndustriALL ont déposé un dossier contre Renault-Nissan BV, Nissan et Renault, auprès des PCN de l’OCDE aux Pays-Bas, au Japon et en France, en vertu des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des multinationales. Les syndicats demandent que ces PCN appuient leur demande de mettre fin aux violations graves, systématiques et prolongées des droits du travail qui ont lieu à l’usine de Nissan North America Inc. de Canton, dans le Mississippi. Les syndicats espèrent également que les PCN tenteront de négocier avec ces trois entités, toutes ayant la responsabilité d’entamer un audit social au sujet des violations du droit du travail liées aux activités de l’usine de Nissan au Mississippi dont le dossier fait état.
Les violations condamnées par l’UAW et IndustriALL font l’objet d’un rapport fondé sur des entretiens avec des travailleurs, des témoignages et des documents de Nissan. Ces violations consistent notamment dans des politiques agressives d’évitement syndical, de harcèlement et d’intimidation, installant un climat de peur au travail dans l’objectif d’empêcher les travailleurs d’obtenir une représentation syndicale. Pendant des années, les directions de Nissan et de Renault ont ignoré les travailleurs et responsables politiques les appelant à remédier à ces violations des droits de l’homme.
L’UAW et IndustriALL avaient auparavant déjà déposé un dossier contre Nissan et Nissan North America auprès du PCN des Etats-Unis. La procédure s’est achevée en janvier 2015, avec la déclaration finale du PCN américain confirmant que « les questions soulevées par l’UAW/IndustriALL méritaient un examen plus approfondi en vertu des Principes directeurs », mais notant également que Nissan n’était pas disposé à accepter l’offre de médiation du PCN.
Le PCN américain a également noté à la fin de sa déclaration finale que les PCN néerlandais, japonais et français avaient été consultés pendant le processus et restaient disponibles pour apporter son aide aux parties. Si Nissan est une entreprise japonaise, elle est liée par des participations croisées au constructeur automobile Renault, dont le PDG Carlos Ghosn est à la fois PDG des deux entreprises et de leur Alliance, la société Renault-Nissan BV établie aux Pays-Bas.
En l’absence pour l’instant de toute mesure corrective de la part de Nissan, et compte tenu des violations persistantes et flagrantes des Principes Directeurs de l’OCDE, l’UAW et IndustriALL ont décidé de suivre les recommandations du PCN américain et de demander l’assistance des PCN néerlandais, japonais et français dans l’espoir qu’une élection syndicale juste puisse être organisée au Mississippi. Les PCN auront trois mois, une fois la demande enregistrée, pour annoncer leurs recommendations.
Valter Sanches, Secrétaire Général d’IndustriALL, a déclaré :
L’Alliance Renault-Nissan a une influence directe sur l’usine Nissan de Canton dans l’Etat du Mississippi et c’est pour cela que nous déposons le dossier là où se trouve le pouvoir décisionnaire. Les salariés de Nissan partout dans le monde ont la possibilité de se syndiquer sauf à Canton dans l’Etat du Mississippi. Il faut mettre fin au harcèlement et à l’intimidation subis par les salariés de Nissan souhaitant se syndiquer. IndustriALL a depuis longtemps soutenu le combat de l’UAW de représenter les salariés de Canton au travers d’actions aux Etats-Unis, au Brésil, en Suisse et en France. Nous ne céderons pas tant que les salariés n’obtiendront pas une élection syndicale juste.
Gary Casteel, secrétaire-trésorier et directeur du département transnational de l'UAW, a déclaré:
Les échecs répétés de l'Alliance Renault-Nissan à remédier aux violations graves des droits des travailleurs et des droits civiques dans l’Etat du Mississippi sont profondément inquiétants pour l'UAW et pour tous ceux qui sont les alliés des travailleurs, aux États-Unis et dans le monde entier. Nous espérons que les responsables de l'OCDE reconnaîtront la gravité de la situation et envisageront d'intervenir dans l'intérêt de la santé, de la sécurité et du bien-être des travailleurs de Canton. L'UAW se réjouit du soutien ferme d'IndustriALL sur ce sujet.
Un nombre croissant d’employés de l’usine Nissan à Canton dans l’Etat du Mississippi ont exprimé leur souhait de bénéficier d’une représentation syndicale, en réaction aux mauvaises conditions de travail et à leur détérioration. Parmi les 5000 salariés de l’usine Nissan du Mississippi, la majorité sont des employés intérimaires qui travaillent depuis des années mais qui touchent des salaires considérablement plus bas que des employés normaux. Les salariés craignent également pour leur sécurité à l’intérieur de l’usine, qui d’ailleurs a fait l’objet d’une amende de la part de l’U.S. Occupational Health and Safety Administration [agence fédérale travaillant à la prévention des blessures, maladies et décès dans le cadre du travail].
L’UAW aide les employés souhaitant être représenté syndicalement, mais Nissan tente depuis plusieurs années de saper ces droits syndicaux en usant de menaces et d’intimidations. Cette position anti-salariés dans l’Etat du Mississippi a attiré l’attention du Secrétariat d’Etat américain, du National Labor Relations Board [Comité national des relations de travail], d’alliés des travailleurs à l’international, et même des membres des Parlements européens et français et de l’Etat français en sa qualité notamment de principal actionnaire de Renault, le partenaire de Nissan. Renault détient actuellement 42.4% du capital de Nissan. Les deux entreprises forment l’alliance Renault-Nissan, qui intègre les secteurs clefs de leur activité, notamment les ressources humaines. Malgré les critiques croissantes, Renault-Nissan refuse de céder.
Principes directeurs de l’OCDE
Les Principes directeurs de l’OCDE sont un ensemble de recommandations à l’intention des multinationales concernant la responsabilité d’entreprise, appuyés par les gouvernements des pays adhérents, et qui encouragent des pratiques entrepreneuriales responsables. Ils établissent à l’international des standards minimaux pour les entreprises en matière de droits humains et de droits des travailleurs et font en sorte que ces droits soient respectés. Les Principes directeurs mettent en place des procédures de résolution de différends entre les entreprises et la société civile, les syndicats et les individus impactés négativement par les activités de l’entreprise. Les gouvernements adhérant à ces Principes directeurs doivent établir un Point de Contact National (PCN) pour promouvoir ces Principes et gérer les plaintes contre les entreprises qui ont possiblement enfreint ces standards.
La procédure de «circonstance spécifique», nom officiel de la procédure de plainte prévue par les Principes directeurs, se concentre sur la médiation et la conciliation pour le règlement des litiges. La déclaration finale remise par le PCN peut inclure des recommandations sur la mise en œuvre des Principes directeurs, ainsi que la position du PCN indiquant s’il y a eu violation des Principes directeurs. Cependant, la procédure du PCN est non-contraignante. Dans le cas où l'une des parties refuse de participer au processus de médiation ou si les parties ne peuvent s'entendre sur les modalités de la médiation ou si la médiation échoue, le PCN peut malgré tout publier une déclaration finale.