17 décembre, 2018Un tribunal argentin a condamné deux anciens dirigeants d’une usine de Ford en Argentine pour leur rôle dans les atteintes aux droits de l’homme commises contre les travailleurs de la compagnie lors de la dernière dictature ayant eu lieu dans le pays.
Pedro Müller et Héctor Sibilla ont été condamnés respectivement à dix et douze ans d’assignation à résidence pour leur participation dans l’enlèvement et les tortures infligées à 24 travailleurs employés à l’usine General Pacheco, détenue par Ford, pendant la dernière dictature du pays, en 1976. Les juges ont qualifié ces actes de crimes contre l’humanité.
Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale entend par crime contre l’humanité tout acte qui viole les normes et les règles fondamentales du droit international, causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé mentale, lorsque cet acte est perpétré dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile et en connaissance de l’attaque.
Les crimes auraient été commis dans les semaines ayant suivi le coup d’Etat du 24 mars 1976, qui a marqué le début de la dernière dictature civilo-militaire du pays, qui s’est achevée en 1983. Durant cette période, des milliers de personnes ont disparu, ont été torturés ou tués.
Le vice-président d’IndustriALL pour l’Amérique latine et les Caraïbes, Raúl Enrique Mathiu, a déclaré:
« De nombreuses personnes en Argentine ont été reconnues coupables de crimes contre l’humanité, mais c’est la première fois que deux anciens dirigeants d’une société étrangère sont condamnés. Quarante ans plus tard, cette décision, prise à l’unanimité, représente une position capitale en faveur des droits de l’homme.
En tant qu’Argentin, je suis fier qu’une telle condamnation ait été prononcée, même si elle ne fera pas disparaître la souffrance endurée par nos collègues de chez Ford due aux persécutions et des tortures qu’ils ont subies. Les travailleurs sont représentés par l’affilié à IndustriALL Global Union, SMATA (Sindicato de Mecánicos y amendes del transporte automotor de la República Argentina) ».
Müller était le directeur de l’usine et Sibilla était le responsable de la sécurité au moment des faits. Selon le journal espagnol El País, les juges auraient statué sur leur participation active au plan de la dictature visant à réprimer les chefs syndicalistes dans les grandes entreprises.
Tous deux ont été accusés d’avoir fourni aux militaires des photos des travailleurs, ainsi que leurs adresses et autres données à caractère personnel pour qu’ils puissent les enlever. Le journal argentin Página/12 a indiqué que certains travailleurs avaient tout juste 19 ans à l’époque des faits, et plusieurs autres étaient des chefs syndicalistes.
L’enquête s’est limitée à déterminer la responsabilité pénale des dirigeants, sans impliquer l’entreprise. Les travailleurs et leurs avocats souhaitent maintenant tenter d’attaquer en justice Ford pour son rôle dans les crimes.
Enfin, le Secrétaire régional adjoint d’IndustriALL, Alejandro Valerio, a indiqué:
« Il est très important que les auteurs d’un des événements les plus atroces dans l’histoire de l’Amérique latine – où environ 30 000 personnes ont été enlevées, torturées, tuées ou sont disparues – continuent à être jugés et reconnus coupables.
Il est également important que d’autres cas, comme ceux-là, assignent à comparaître devant les tribunaux les complices de la dictature en provenance du monde civil et des affaires. Eux aussi ont joué leur rôle dans la persécution et l’assassinat de travailleurs et de leurs représentants. »