14 mai, 2020En Inde, certains États utilisent le coronavirus comme prétexte pour s’attaquer aux conditions de travail. Beaucoup ont porté la journée de travail à 12 heures, tandis que d’autres ont suspendu le droit du travail ou y ont apporté des dérogations.
Les gouvernements de certains États, dont le Gujarat, l’Uttar Pradesh, le Madhya Pradesh et l’Himachal Pradesh, ont fait passer la limite du temps de travail à 12 heures par jour et à 72 heures par semaine. Lors d’une réunion du cabinet tenue le 6 mai, le gouvernement de l’Uttar Pradesh a suspendu 35 des 38 lois régissant les syndicats, les conflits du travail et le travail en sous-traitance. Tous les établissements implantés dans cet l’État sont exemptés de l’application de l’ensemble de ces lois relatives au travail pendant une période de trois ans.
Les gouvernements des États qui ont procédé à ces changements radicaux sont dirigés par le parti de droite Bharatiya Janata (BJP), qui est également le parti au pouvoir au sein du gouvernement central. Ces changements agressifs au droit du travail ont été apportés par le biais de décrets alors que les assemblées législatives ou les parlements ne siégeaient pas. Ces changements sapent les principes et les droits fondamentaux au travail, annulant les acquis en matière de travail décent obtenus grâce à des décennies de lutte syndicale.
Le gouvernement du Gujarat a exempté les nouvelles unités industrielles des lois et normes du travail pendant 1.200 jours. Seules trois instruments législatifs, la loi sur les salaires minima, le règlement de sécurité industrielle et la loi sur l’indemnisation des employés leur seront appliqués.
Le Madhya Pradesh prévoit des exemptions aux obligations légales découlant de diverses lois sur le travail, notamment celles sur les usines, sur les relations sociales, sur les conflits sociaux et sur le travail en sous-traitance. Il a l’intention d’ajouter des exemptions par le biais d’amendements par décret exécutif pour une période de 1.000 jours.
Onze secteurs industriels comprenant le textile, le cuir, le ciment, le fer et l’acier, l’appareillage électrique, l’électricité, les transports publics motorisés et l’ingénierie (y compris le secteur automobile) seront exemptés de la loi sur les relations sociales du Madhya Pradesh pour une durée indéterminée. Il n’y aura pas d’inspection dans les entreprises employant moins de 50 travailleurs et aucune inspection surprise n’aura lieu.
L’Himachal Pradesh, le Rajasthan, le Tripura et le Pendjab ont également allongé le temps de travail et exempté les établissements du respect du droit du travail.
Lors d’une réunion avec le Ministre du travail, le 1er mai, les représentants des centrales syndicales ont formulé un certain nombre de revendications auprès du gouvernement :
- Pas d’augmentation du temps de travail
- Maintien de l’application stricte du droit du travail
- Assistance financière pour soutenir les travailleurs qui ont perdu leur emploi durant le confinement
- Soutien aux travailleurs migrants.
Le gouvernement n’a donné suite à aucune de ces revendications syndicales.
Le 6 mai, le Ministre du travail a rencontré les employeurs, dont les revendications portent notamment sur l’assouplissement de la loi sur les conflits sociaux afin de traiter le confinement comme un licenciement, la suspension de la législation du travail pour les deux ou trois prochaines années, à l’exception de dispositions telles que le salaire minimum, les primes et les cotisations statutaires, et l’allongement du temps de travail à douze heures par jour.
Valter Sanches, Secrétaire général d’IndustriALL Global Union a déclaré :
“Nous condamnons fermement la tentative en Inde des gouvernements des États d’allonger le temps de travail et de suspendre le droit du travail. N’oublions pas que les travailleurs sont en première ligne dans la lutte contre la Covid-19.
Le gouvernement central ne devrait pas autoriser de modifications draconiennes du droit du travail qui sont contraires aux droits de l’homme et aux normes du travail établies au niveau international. Les gouvernements des États doivent immédiatement retirer les modifications du droit du travail qui sont anti-ouvrières. IndustriALL Global Union est solidaire du mouvement syndical indien s’agissant de défendre les droits des travailleurs.”
La plate-forme commune des centrales, fédérations et associations syndicales a dénoncé avec véhémence les altérations du droit du travail. Les syndicats prévoient de prendre prochainement des mesures à l’échelle nationale.